Répression

Au Vietnam, les emprisonnements se multiplient pour « propagande anti-État »

Répression

par Noan Ecerly

La répression contre journalistes ou défenseurs de l’environnement s’intensifient au Vietnam. L’association Acat interpelle Emmanuel Macron, un an après la signature de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Vietnam.

L’ONG de défense des droits humains, Acat (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), alerte sur la répression du gouvernement vietnamien. C’est le pays qui criminalise le plus les défenseurs des droits, parmi les pays du Sud-Est asiatique, selon l’organisation. « Entre 150 et 250 défenseurs des droits humains se trouveraient actuellement derrière les barreaux », estime l’Acat.

Les condamnations de défenseurs de l’environnement, de journalistes ou de défenseurs de la liberté d’expression se sont intensifiées depuis janvier. Dinh Thi Thu Thuy, défenseure de l’environnement et des droits fonciers a ainsi été condamnée le 20 janvier à 7 ans de prison, pour « propagande anti-État », à l’instar de trois journalistes deux semaines plus tôt, le 5 janvier. Pham Chi Dung, Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan ont été arrêtés entre novembre 2019 et juin 2020, « détenus dans des conditions déplorables et maintenus au secret pendant plusieurs mois, rapporte l’Acat. Ils n’ont pas eu le droit de rencontrer leur avocat avant le mois de novembre 2020. »

11 à 15 ans de prison pour « propagande anti-État »

Pham Chi Dung, le cofondateur de l’Association des journalistes indépendants du Vietnam a écopé de 15 ans d’emprisonnement. Nguyen Tuong Thuy et Le Huu Minh Tuan, à des peines de 11 ans de réclusion chacun. À la fin de leur peine, ils seront placés pendant trois ans en résidence surveillée. Fin janvier, avant le 13e Congrès du Parti communiste à Hanoï, « les autorités ont détenu ou placé sous surveillance policière de nombreux défenseurs des droits et journalistes indépendants et restreint encore davantage les espaces d’expression en ligne ». Selon Reporters sans frontières, en 2020, le Vietnam se situait en 175éme position sur 180 dans le classement de la liberté de la presse.

Ce 12 février les militants de l’ACAT ont remis une pétition, signée par plus de 10 600 personnes, à Emmanuel Macron, pour l’appeler à réagir et demander la libération des prisonniers d’opinions. « On veut montrer qu’on ne peut pas laisser une nouvelle année commencer sous le signe de la répression au Vietnam », souligne l’association. Le 12 février marque le nouvel an vietnamien mais également le premier anniversaire de l’accord de libre-échange signé entre l’Union européenne et le Vietnam. « Avec cet accord, la France a choisi d’approfondir ses relations commerciales avec le Vietnam, explique Jade Dussart, la responsable de l’Asie à l’Acat. Cela se fait au détriment des droits fondamentaux. »

« Un parti unique, pas d’élections libres et une opposition muselée »

L’Acat dénonce également les conditions dans lesquelles sont détenues les prisonniers politiques. Une détention au secret, à l’isolement qui « facilite et perpétue des pratiques tortionnaires ». Pour l’association, ces derniers événements s’inscrivent « dans un contexte généralisé de la répression », dans un pays où un régime autoritaire est en place depuis la fin de la guerre d’indépendance et où la justice est contrôlée par l’exécutif. « Il y a un parti unique, le Parti communiste, pas d’élections libres et une opposition muselée », dénonce Jade Dussart.

Depuis 2017-2018, la répression s’est renforcée dans le pays, et contre les dernières sources d’information indépendante. Un revirement en parti expliqué par l’arrivée de membres conservateurs, souvent pro-Chine, au Parti communiste en 2016. « Ils ont mis en place des tactiques qui ressemblent à celles de la Chine, des tactiques tortionnaires, notamment en amont des procès et dans les prisons », déplore Jade Dussart. L’association espère une réaction rapide de la France. « Rien n’est fait, alors que les droits humains étaient annoncés comme une priorité. Ça reste actuellement que des beaux discours. C’est pour cette raisons que nous voulons interpeller directement Emmanuel Macron. »

Photo : Visuel du drapeau qui va être remis à Emmanuel Macron © Acat