Plus d’un an après la manifestation à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), brutalement réprimée par les autorités, de nouvelles manifestations auront lieu dans le Poitou les 19 et 20 juillet contre les méga-bassines. A l’initiative du collectif Bassines Non Merci (BNM), une centaine d’organisations syndicales, environnementales et paysannes appellent à la mobilisation. Parmi elles : Attac, Alternatiba, Solidaires ou encore Les Soulèvements de la Terre.
« En ce mois de juillet, alors que les regards du monde entier se porteront sur la parade fluviale des Jeux Olympiques à Paris, il s’agira de nous allier pour remporter la plus essentielle des épreuves : trouver les gestes collectifs pour que l’eau soit enfin protégée dans notre pays et partout ailleurs », appuient-elles. Les mobilisations sont maintenues malgré les arrêtés d’interdiction des préfectures de la Vienne et des Deux-Sèvres pour les manifestations.
Des projets épinglés par la justice
Les mégabassines ne se remplissent pas en captant l’écoulement de l’eau, mais uniquement par pompage en nappe et en rivière. L’idée d’« eau en excès » est au fondement de ces mégabassines, appelées réserves de substitution par ses promoteurs. Pour ces derniers, il s’agit d’assurer un approvisionnement en eau suffisant pour les grandes cultures, et soulager les nappes phréatiques lors des épisodes de sécheresse. Ils sont défendus par le syndicat agricole majoritaire FNSEA, les agriculteurs adhérents, l’actuel ministre de l’Agriculture Marc Fesneau et les chambres d’agriculture locales. Les opposant
e s accusent ces derniers de surestimer les promesses des méga-bassines pour pallier la sécheresse.Ils redoutent également la mise à l’écart des plus petits agriculteurs et agricultrices, qui ne pourront pas bénéficier des bassines. « Elles sont avant tout conçues pour des agricultures nécessitant une irrigation intensive, au profit d’une petite minorité d’agriculteur
ices, et ce aux dépens de formes de stockages et de partage de l’eau vertueuses, bénéficiant à l’ensemble des agriculteur ices, de la population et de la biodiversité », critiquent les organisations.« Le raccordement aux réserves de substitution n’est pas conditionné a priori à des pratiques plus économes en eau et plus vertueuses pour la qualité de l’eau », pointe la Cour des comptes dans son rapport sur la gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique, publié l’été dernier. Elle met également en avant des contrôles et des sanctions imprécis, et rappelle que ces réserves « s’avèrent inutiles en cas de sécheresse hivernale ou de sécheresse pluriannuelle », alors que celles-ci vont se produire de plus en plus souvent.
En octobre 2023, quinze projets de mégabassines, jugés surdimensionnés, ont été annulés par le tribunal administratif de Poitiers. Ce dernier épingle des « inexactitudes, omissions et insuffisances » dans l’étude d’impact environnemental, et considère que « le projet n’est pas associé à de réelles mesures d’économie d’eau et ne tient pas compte des effets prévisibles du changement climatique ».
Un Village de l’eau à Melle
Au cours des trois dernières années, quatre bassines déjà remplies ont également été jugées a posteriori définitivement illégales, et quatorze autres ont été mises hors d’état de fonctionner, relèvent les opposants. « De nombreuses bassines ont déjà été abandonnées grâce à la pression exercée par l’opposition locale », ajoutent-ils.
Mais aux abords du Marais poitevin, malgré les recours juridiques toujours en cours contre seize méga-bassines, les chantiers continuent. « Deux d’entre eux ont démarré ces derniers mois à Priaires et Epannes, tandis que celui de Sainte-Soline a stagné tout l’hiver », déplorent les organisations. Marc Fesneau a d’ailleurs annoncé vouloir accélérer la création de ces retenues d’eau, en simplifiant les démarches administratives pour les agriculteurs. Le délai de recours contre les ouvrages hydrauliques agricoles a été réduit, passant de quatre à deux mois.
« Le gouvernement s’obstine à passer en force. Préparez-vous à faire fleuve, par équipes, par rivières et par bassins versants », incitent les organisations. Elles appellent à « mettre en œuvre un moratoire populaire sur le terrain, et à se rassembler pour en porter la nécessité ». Une proposition de loi, déposée en décembre dernier par la députée écologiste Delphine Batho, allait également dans ce sens.
Des convois issus de toute la France, mais également d’Allemagne et de Belgique, sont en cours d’organisation. Les manifestations du 19 et 20 juillet se tiendront en même temps que le Village de l’eau, « un village international pour débattre, se former, célébrer nos luttes et construire l’avenir », précise BNM. Le festival alternatif se déroulera sur la commune de Melle (Deux-Sèvres), du 16 au 21 juillet. Au programme : des tables rondes, des ateliers et formations, des balades, mais aussi des concerts et des spectacles.
Informations pratiques : le programme complet est à retrouver ici. Les mises à jours et informations pratiques, les lieux du villages et les points de rendez-vous pour les manifestations des 19 et 20 juillet sont à retrouver sur le canal Telegram de la lutte anti-bassine.
Photo de Une : manifestation à Sainte Soline, le 25 mars 2023. © Les Soulèvements de la terre