Que votent les députés français au Parlement européen ? Les débats au sein de l’hémicycle strasbourgeois sont beaucoup moins médiatisés que ceux qui agitent le Palais Bourbon. Ils sont pourtant riches d’enseignement sur les positions prises par les partis qui y siègent. Surtout en campagne présidentielle, lorsqu’il s’agit de mesurer le degré de sincérité derrière les propositions des programmes et les grandes tirades des meetings.
Les parlementaires européens ont un rôle de codécision pour voter des législations comme la Politique agricole commune (PAC), qui dépendent du budget de l’Union européenne. Le plus souvent, ils se prononcent sur des résolutions et des rapports. Leurs votes participent à définir les priorités politiques de l’Union européenne, influencent de futures directives, ou appuient la défense des droits et libertés au sein des pays membres (voir notre précédent volet : L’extrême droite indifférente au sort des travailleurs précaires et aux abus des multinationales).
Soutien inconditionnel à l’agriculture industrielle : macronistes, droite et extrême droite à l’unisson
Le 23 novembre 2021, le Parlement européen se prononce sur la nouvelle PAC dont la réforme fait l’objet d’âpres négociation depuis un an. Elle doit fixer les règles de répartition des subventions agricoles européennes qui s’appliqueront jusqu’en 2027. Avec 370 milliards d’euros pour les sept prochaines années, la PAC constitue le premier budget d’argent public européen. Sa version 2023-2027 continuera de soutenir principalement l’agriculture productiviste et l’agrandissement des exploitations.
« Cette PAC est incompatible avec notre combat pour le climat et la biodiversité : elle encourage les pesticides, la destruction de la biodiversité et écrase les petits producteurs », jugeait l’eurodéputée verte française Michèle Rivasi au moment de ce vote. « La PAC représente environ un tiers du cadre financier pluriannuel de l’UE pour la période 2021 à 2027. Plutôt que d’utiliser ce budget pour aider à résoudre l’urgence climatique, ou la perte de milliers d’agriculteurs par jour, l’accord final maintient l’agrobusiness, gaspille la chance de transformer la politique agricole de l’UE et ne tient pas les promesses du Green Deal européen », a déploré le groupe vert au Parlement européen, qui a voté contre.
Les élus LFI ont dénoncé « l’hypocrisie criante de l’Union européenne, qui décrétait il y a un an l’urgence climatique et environnementale, mais acte une nouvelle Politique agricole climaticide ». Ils ont voté contre. Les députés LREM en revanche, ont tous sauf un (Pascal Durand), voté en faveur de cette PAC, que le groupe vante comme « en phase avec [ses] priorités économiques et écologiques ». Pourtant, quelques semaines plus tôt, ces mêmes élus de Renaissance votaient pour un système alimentaire plus durable… Les élus LR et RN ont également soutenu cette nouvelle PAC à l’unisson.
Moins de pesticides et plus de bio dans l’alimentation : droite et extrême droite sont contre
Le 19 octobre 2021, trois-quarts des parlementaires européens s’étaient prononcés en faveur d’une résolution pour un « système alimentaire équitable, sain et respectueux de l’environnement ». Le texte, intitulé « De la ferme à la table », n’est pas contraignant, mais dessine une stratégie politique à suivre. Il pourra servir de levier aux eurodéputé.es pour des réformes futures des réglementations européennes sur les sujets liés à l’agriculture et l’alimentation, par exemple sur l’usage des pesticides. « De la ferme à la table » vise par exemple des objectifs contraignants de réduction de l’utilisation des pesticides. Le texte veut aussi imposer plus de bien-être animal et développer l’agriculture bio. Du côté des parlementaires français, les groupes de gauche, socialistes et apparentés, verts et France insoumise ont voté pour cette stratégie. Le groupe Renaissance lié à LREM aussi. Les élus RN s’y sont opposés de même que les parlementaires LR (sauf une abstention).
Bien être animal : le RN veut laisser les animaux en cage
Adoptée par le Parlement européen en juin 2021, la proposition « Pour une nouvelle ère sans cage » est née d’une initiative citoyenne européenne [1]. Elle veut interdire le maintien en cages pour plusieurs animaux soumis à l’élevage industriel : poules et poulets, lapins, canards, oies … Les parlementaires demandent aussi à la Commission et aux États membres de s’assurer que les produits importés depuis l’extérieur de l’UE respecteront ces nouvelles normes.
La mesure a été adoptée à une très large majorité (82 %). Mais les élus du RN se sont abstenus dans leur quasi-totalité. Dans les rangs LREM, certains ont également décidé de s’abstenir.
Emma Bougerol, Rachel Knaebel, Ivan du Roy
Infographies : Christophe Andrieu
Photo : Otwarte Klatki, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons