L’Amazonie que Sebastião Salgado aimait tant est de plus en plus menacée

Débats

Des médias indépendants du monde entier ont rendu hommage au photographe brésilien Sebastião Salgado, mort le 23 mai. Il avait montré « l’Amazonie vivante », en contraste avec la destruction toujours plus dramatique de l’immense forêt.

par Emma Bougerol

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Portrait dessiné de la journaliste Emma Bougerol
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Sebastião Salgado a donné à voir le monde comme personne. Le photographe brésilien « a documenté les damnés de la terre et la beauté de la planète », raconte Il Manifesto dans un hommage publié au lendemain de sa mort, à 81 ans, le 23 mai dernier. Depuis, les hommages à cet artiste engagé contre les inégalités et la destruction de notre environnement affluent du monde entier. Il a été inhumé ce 30 mai au cimetière du Père Lachaise à Paris, ville où il vivait.

« La première fois que Sebastião Salgado a tenu un appareil photo, c’était en 1970, rappelle elDiario.es en introduction d’un portfolio des images les plus marquantes du photographe. Depuis lors, le photographe l’a transformé en une arme contre l’injustice sociale, dépeignant à travers lui un monde beau, sombre, compliqué et difficile. »

« Il voulait montrer “l’Amazonie vivante” »

« Sa carrière prolifique l’a conduit dans plus de 130 pays au cours de cinq décennies, où il a documenté les injustices humaines et les environnements naturels dans des compositions en noir et blanc immédiatement reconnaissables, façonnées par des éclairages expressifs », décrit The Guardian. Le journal britannique rappelle le reproche, fréquemment fait à l’artiste, de rendre esthétique la misère. Une critique à laquelle le photographe avait répondu ainsi : « Pourquoi le monde pauvre serait-il plus laid que le monde riche ? La lumière ici est la même que là-bas. La dignité ici est la même que là-bas. »

Son dernier projet, Amazônia, se concentre sur le territoire naturel de l’immense forêt sud-américaine et ses populations. Il « attire l’attention sur la richesse de la forêt tropicale alors qu’elle est de plus en plus menacée de destruction par les activités humaines et la crise climatique ».

Le journal italien Il Manifesto rappelle qu’au cours de sa vie, « Salgado a déclaré à plusieurs reprises qu’il voulait montrer “l’Amazonie vivante”, sans incendies ni destructions. L’espoir était de réveiller un sentiment d’appartenance, de protéger un écosystème menacé de disparition. Chaque fois qu’il l’a pu, il a œuvré pour la reforestation, en plantant des millions d’arbres là où la déforestation avait créé des territoires funèbres, avec l’Instituto Terra, fondé avec sa femme dans sa ville natale. »

Niveau record de déforestation en 2024

Aujourd’hui, la forêt dans laquelle Sebastião Salgado a passé tant de temps est toujours – plus que jamais – menacée. Selon une étude, citée par le média bolivien Nómadas, « la déforestation a atteint un niveau record en 2024, sous l’effet d’une augmentation catastrophique des incendies. À elle seule, la perte de forêts tropicales primaires a atteint 6,7 millions d’hectares, soit près du double de ce qu’elle était en 2023, et ce chiffre couvre une superficie presque équivalente à celle du Panama, à un rythme de 18 terrains de football par minute. »

Une image en noir et blanc d'une exposition, où l'on devine des silhouettes au milieu des photos.
L’exposition Amazônia de Sebastião Salgado, à Madrid, en 2023.
CC BY 4.0 Javier Perez Montes via Wikimedia Commons

La revue souligne à cette occasion que la Bolivie est devenue le deuxième pays au monde en termes de perte de forêts primaires, derrière le Brésil. « En 2024, la Bolivie a perdu 1,8 million d’hectares de forêt, dont 81 % de forêt primaire. » En analysant les causes de cette destruction, Nómadas relève que c’est en grande majorité, pour l’année 2024, les incendies qui ont dévasté ces espaces tropicaux comme l’Amazonie.

« Les incendies qui ont ravagé la Bolivie en 2024 ont laissé de profondes cicatrices, non seulement sur le territoire, mais aussi sur les populations qui en dépendent. Les dégâts pourraient mettre des siècles à être réparés », alerte Czaplicki Cabezas, chercheur bolivien et journaliste pour la revue. L’année dernière, « le monde a battu un nouveau record : près de 30 millions d’hectares de forêt ont été perdus », alerte le média bolivien. Soit environ la surface de l’Italie partie en fumée en douze mois.