Depuis des semaines, des personnes réfugiées sont coincées à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, dans un no man’s land où ni les associations humanitaires ni les journalistes ne peuvent se rendre. « Ils risquent de mourir de froid ou de faim dans la zone frontalière. Une catastrophe humanitaire se développe à la frontière extérieure orientale de l’Union européenne », alerte l’organisation allemande Seebrücke ("pont maritime"), qui s’engage depuis des années pour l’accueil des réfugiés en Allemagne.
« Depuis des mois, le dirigeant biélorusse Loukachenko instrumentalise des personnes provenant de régions en crise et les dirige de manière ciblée vers l’Union européenne via la Biélorusse. L’UE et les pays riverains, la Lituanie, la Lettonie et la Pologne, réagissent en se fermant et en refoulant les migrants en violation du droit international. Les barbelés, les gardes-frontières et l’armée doivent empêcher les gens de passer. Cette politique provoque d’énormes souffrances : des personnes, des familles et des enfants errent dans les forêts, ont faim et froid », poursuit l’organisation dans un appel à la solidarité.
« La situation à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie est de pire en pire, nous ne comprenons pas comment l’Allemagne peut tolérer que les gens soient ainsi maltraités. Nous appelons le gouvernement allemand à faire preuve de la solidarité », insiste Hasan Özbay, activiste allemand et porte-parole de Seebrücke. Des dizaines de villes allemandes sont également engagées au sein de l’organisation et se sont déclarées villes d’accueil pour les réfugiés. Seebrücke tente aussi d’affréter un bus pour venir en aide, malgré le blocage des autorités, aux personnes se trouvant à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie : « Comme la politique bloque toute aide, la société civile solidaire est sollicitée, en Pologne comme chez nous. Nous devons maintenant agir ensemble et créer nous-mêmes des couloirs humanitaires ! Il ne doit plus y avoir de morts ! » [1].
« Il faut répondre à l’injustice par le droit »
Seebrücke en appelle aujourd’hui au nouveau gouvernement allemand, qui est en cours de formation suite aux élections du 26 septembre, et lui demande de faire en sorte « de permettre immédiatement un accueil direct en Allemagne des personnes venant de la frontière entre la Pologne et la Biélorussie », de « garantir l’accès aux procédures d’asile dans un État de droit pour les personnes réfugiées », et « d’accorder immédiatement l’accès aux zones frontalières polonaises et biélorusses aux médecins, aux ONG humanitaires, aux avocats et aux journalistes ».
L’ONG souligne par ailleurs que la militarisation de la frontière entre l’Union européenne et la Biélorusse risque aussi de peser sur les opposants au président Loukachenko qui peuvent devoir, eux aussi, fuir en Europe. La Pologne et la Lituanie ont accueilli de nombreux exilés biélorusses depuis la réélection contestée de Loukachenko en août 2020. « Ces deux pays ont montré à quel point la solidarité européenne pouvait être généreuse pour les personnes en fuite. Pour tous ceux qui se trouvent encore en Biélorussie et qui doivent fuir, les clôtures de barbelés tranchants comme des rasoirs à la frontière extérieure de l’UE coupent une voie de fuite importante, écrit Seebrücke. Il faut répondre à l’injustice par le droit. C’est en faisant preuve d’humanité envers les victimes de la violence d’État que nous conservons notre humanité et notre dignité », défend l’association de solidarité, pour qui « Ce nouveau rideau de fer doit tomber ! »
Photo : "Nous avons de la place", dit une banderole lors d’une manifestation organisée par Seebrücke en septembre 2020 pour l’accueil des réfugiés. CC BY 2.0 Seebrücke via flickr.