« Il était environ 17h30 quand j’ai entendu du bruit au niveau de la porte d’entrée de l’immeuble. Je suis allé ouvrir et j’ai vu des têtes cagoulées et masquées. Ils ont réussi à entrer, j’ai pris un coup de casque et ils m’ont roué de coups dans la cour intérieure de l’immeuble. J’ai aussi reçu des coups de couteau qui m’ont légèrement blessés » , raconte Thomas*, militant au sein de Young Struggle et à la CGT, qui vient tout juste de sortir de l’hôpital. Un autre militant, venu avec lui, parvient à se réfugier derrière la porte blindée du local de l’Association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie (ACTIT), sauf.
Ce 16 février, les militants de Young Struggle, organisation de jeunesse internationaliste et socialiste liée à la communauté kurde, ont essuyé une attaque d’ampleur de l’extrême droite parisienne. Perpétrée en plein jour dans le 10e arrondissement parisien, elle a mobilisé 25 à 30 militants vêtus de noir et « armées de bâtons et de couteaux ». Selon le parquet de Paris, six d’entre eux ont été placés en garde à vue. Une enquête pour tentative d’homicide volontaire a été confiée au deuxième district de police judiciaire.
« Cet après-midi là, nous projetions le film Z de Costa Gavras. Tout a été très vite. Après avoir frappé Thomas ils n’ont pas réussi à rentrer dans le local et sont partis en criant “Paris est nazi”, “Lyon est nazi”, “la rue, la France, nous « appartient” », détaille Ali*, militant de Young Struggle. Sur place, les assaillants laissent un autocollant « KOB veille », qui renvoie au groupuscule hooligan raciste « Kop of Boulogne ». Deux vidéos tournées par des voisins font rapidement le tour des réseaux sociaux.
D’autres attaques
« On pense qu’ils nous ont identifiés car nous faisons partie du comité de soutien à Gino (militant antifasciste italien emprisonné en France, ndlr) », soupçonne Ali. Née il y a cinq ans en France, et fondée en Allemagne, le mouvement Young Struggle se déploie également en Autriche, en Suisse et au Royaume-Uni.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que le mouvement kurde, très présent dans le 10e arrondissement, fait l’objet d’attaques de l’extrême droite. Le 23 décembre 2022, trois kurdes avaient été assassinés dans une rue perpendiculaire à celle où a eu lieu l’attaque d’hier soir, aux abords du Centre culturel kurde, rue d’Enghien. L’auteur, un homme de 69 ans avait déjà été condamné pour une attaque d’un camp de migrants, muni d’un sabre, un an plus tôt.
En 2019, les locaux de l’association ACORT (assemblée constituante des originaires de Turquie) était également taguée par l’extrême droite. « On ressent la présence de plus en plus intense de l’extrême droite dans le quartier » , assure Ali*. Quelques heures après l’attaque, une manifestation spontanée est organisée dans le quartier. « On a fait le tour du quartier pour informer les habitants » , commente Ali.
Soutien de la CGT
Ce 17 février, Young Struggle organise un rassemblement à 18h à la gare de l’Est et entend participer à une manifestation unitaire qui pourrait avoir lieu ce samedi sur la place de la République. Thomas, qui milite aussi à la CGT, reçoit rapidement du soutien de sa confédération syndicale. Sa secrétaire générale, Sophie Binet, lui a apporté son soutien sur les réseaux sociaux.
Si les organisateurs de la projection ont immédiatement dénoncé une attaque provenant de l’extrême droite, des centaines de comptes sur X, tenus par des membres de fachosphère, se sont empressés de commenter tous les contenus dénonçant cette agression. Avec un propos identique : désigner les Loups gris, groupe nationaliste turc dissous en novembre 2020 par Gérald Darmanin, comme responsable de l’agression.
Une réalité alternative qui présente l’intérêt de semer le doute, de créer du flou, et par là même de dédouaner la violence de l’extrême droite en France. Des allégations balayées par les militants de Young Struggle : « C’est le GUD, c’est le KOB Boulogne (les deux groupuscules sont très proches, ndlr), il n’y a pas d’erreur possible. »