Le 2 juin, les lycéennes et lycéens de terminale ont commencé à recevoir des réponses de Parcoursup. Comme tous les ans depuis la création de ce système d’orientation en ligne en 2018, Parcoursup est synonyme de longues semaines, voire de mois, de stress pour nombre d’élèves dans l’attente des réponses des établissements d’études supérieures sollicités.
Parcoursup a remplacé l’ancienne procédure d’affectation vers l’enseignement supérieur d’Admission Post-Bac (APB), critiqué pour la place qu’il laissait au tirage au sort mais qui permettait à plus des trois quart des futurs étudiants de disposer d’une réponse positive rapide en matière d’affectation. « La nouvelle procédure élargit la logique de classement à l’ensemble des formations du supérieur, alors qu’elle était autrefois uniquement réservée aux filières sélectives », résume le collectif Nos services publics dans une note publié le 2 juin. Nos services publics est composé d’agents des services publics, fonctionnaires, contractuels, agents de la sécurité sociale… chargés de la conception et de la mise en œuvre des politiques publiques et engagé pour les services publics. L’un de ses porte-parole, Arnaud Bontemps, est haut fonctionnaire et diplômé de l’ENA.
Avec Parcoursup, les candidats sont classés en fonction « de 15 000 algorithmes locaux » au sein des universités, remplaçant les critères nationaux en place avant 2018. Les élèves les mieux classés par les logiques algorithmiques sont prioritaires pour choisir les affectations qui leur sont proposées, puis laissent les places non occupées à ceux qui les suivent, placés en liste d’attente.
L’équivalent de 2000 enseignants pour étudier les vœux
« Le jour de la publication des résultats, près de la moitié des lycéens n’obtiennent aucune réponse positive et doivent attendre que leurs camarades “mieux classés” se décident avant de pouvoir faire leurs propres choix », explique Nos services publics. Ses membres ont étudié les conséquences du passage à Parcoursup. Ils n’ont trouvé rien de positif, avec des « listes d’attente considérables, une désorganisation du secondaire et des coûts massifs, pour des résultats peu satisfaisants ».
Pour que le système fonctionne, les personnels « doivent parvenir, en l’espace de moins de deux mois, à ordonner près de 12 millions de voeux formulés par plus de 900 000 candidat [1].
e s. » Le procédé augmente le temps des personnels passé à évaluer au détriment du temps pédagogique. Selon les calculs de Nos services publics, lors de la clôture de la phase d’enregistrement des dossiers, ce sont plus de 600 000 appréciations qui sont effectuées par plus de 19 000 enseignants différents. Ce procédé coûterait environ 2,6 millions d’heures de travail, soit l’équivalent de 2000 enseignant.e.s à temps plein sur l’année. Ce qui équivaut à 100 millions d’euros de budget, « uniquement pour classer les candidatures »« L’ensemble de ces efforts aboutit à un résultat dont l’objectivité est très contestable. En l’absence d’harmonisation nationale, comment distinguer deux dossiers scolaires construits par des enseignants différents, dans des établissements différents et selon des critères différents ? » interroge Nos services publics. Le collectif note aussi que « le problème sous-jacent du manque de place dans les formations supérieures publiques reste pour sa part inchangé ». Ce qui relance l’une des principales interrogations émises lors de la mise en place de Parcoursup : s’agit-il vraiment d’améliorer l’orientation ou seulement de gérer la pénurie des places, en faisant en sorte que les étudiants socialement les mieux lotis n’en subissent pas les conséquences ?
Parcoursup et les formations du privé
En 2020, l’université accueillait 57 % des étudiantes et étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur. Elle est cependant « quatre fois moins financée que les classes préparatoires aux grandes écoles », dénonce Nos Services publics. Le coût moyen annuel par étudiant en licence est de 3700 euros par an à l’université, contre 13 400 euros pour une année en classe préparatoire aux grandes écoles. Dans le même temps, les dotations universitaires par étudiant ont diminué, « de 12,6 % entre 2013 et 2019 ». Et les formations supérieures privées ont pris plus d’importance : elles représentent en 2020 le quart des nouvelles admissions dans l’enseignement supérieur.
« À plusieurs égards, la plateforme Parcoursup constitue un marchepied efficace pour les formations de l’enseignement supérieur privé, qu’elles soient ou non reconnues par l’État », pointe la note de Nos services publics. La carte des formations de la plateforme Parcoursup recense ainsi cette année près de 8000 formations privées (contre plus de 13 000 dans des établissements publics).
« Sur ces près de 40 % de formations privées, un tiers sont "hors contrat" et sont pourtant mises par Parcoursup sur un pied d’égalité avec les formations reconnues nationalement, souligne Nos services publics. Ce faisant, l’État organise de facto l’indifférenciation entre les formations qu’il reconnaît et les autres, et donc la diminution de la valeur de sa propre compétence de régulation. » Les élèves qui se retrouvent sur des listes d’attentes interminables sont plus susceptibles de se tourner vers une formation privée que si elles et ils pouvaient, tout simplement, s’inscrire à l’université, largement moins onéreuse pour ses usagers.
Rachel Knaebel
Photo : Une manifestation contre Parcoursup en 2018. © Serge D’ignazio.