Le 21 juin 2017, Quentin Zaraoui-Bruat trouvait la mort sur son lieu de travail, à Bazancourt (Marne). Cordiste au sein d’une usine de sucre de Cristal Union, il a été enseveli dans un silo de drêches (résidus du brassage des céréales). Le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc a reconnu que « l’ETH, l’entreprise utilisatrice, a commis une faute inexcusable dans la réalisation de l’accident de travail du 21 juin 2017 dont Quentin Zaraoui est décédé. »
« Le rendu de ce jugement, c’est ce qu’on attendait a minima. On est satisfait car Quentin est lavé de tous soupçons », explique Éric Louis, président et cofondateur des Cordistes en colère, cordistes solidaires, association fondée à la suite de l’accident de Quentin, en décembre 2018. Le tribunal considère que Quentin Zaraoui-Bruat ne s’est pas mis en danger lui-même et n’a pas commis de faute conduisant à l’accident : « Spécialement les traces de cannabis dans les analyses de sang de Monsieur Zaraoui ne permettent pas de démontrer en soi que cette consommation de toxique, non datée, ait eu un quelconque rôle causal dans l’accident dont il a été victime. »
Avant de prendre position sur ce jugement, qui avait été rendu en novembre 2020, l’association de cordistes souhaitait attendre que le délai, laissant la possibilité aux employeurs de faire appel, soit écoulé. « Aujourd’hui, on est sûrs qu’ils n’ont pas fait appel », précise le président de l’association.
30 000 euros d’indemnités
Le tribunal a étudié la responsabilité de la chaîne d’employeurs de la victime. Il a donc condamné la CPAM (Caisse primaire d’assurance maladie) des Côtes-d’Armor à verser à la succession du cordiste décédé 30 000 euros. L’agence d’intérim Cordial/Proman, employeur direct de Quentin, est condamnée à rembourser cette même somme à la CPAM. Quand à l’entreprise utilisatrice EHT, elle est condamnée à garantir Cordial/Proman des conséquences financières de la faute inexcusable.
Ce jugement est opposable à la société Cristal Union : « Cela signifie que si ETH n’a pas les moyens de payer, elle peut se retourner vers un tiers responsable de l’accident, c’est à dire Cristal Union, explique Éric Louis. Implicitement, le tribunal reconnaît donc la responsabilité de Cristal Union ».
« Il n’y a jamais d’accident pas hasard »
Le cas de Quentin Zaraoui-Bruat n’est pas isolé. Le 12 mars 2012, deux autres cordistes, Arthur Bertelli et Vincent Dequin, perdaient la vie dans un silo à sucre, encore une fois de l’entreprise Cristal Union, à Bazancourt. « Dans chaque accident que nous avons étudié, il y a toujours la responsabilité d’une entreprise, un manquement quelque part : dans la formation, l’information, la sécurité ou le matériel. Il n’y a jamais d’accident par hasard », poursuit Éric Louis.
Le procès en appel de l’accident, survenu en 2012, devait avoir lieu en janvier mais a été reporté au 19 septembre prochain. À l’occasion, un appel à un rassemblement sera diffusé. « On attend de ce procès la condamnation de l’employeur et surtout de Cristal Union, précise Éric Louis. Encore une fois, ce sont leurs installations et encore une fois, ils se défaussent sur les entreprises qui interviennent chez eux. On sait qu’ils sont responsables, il y a eu de graves manquements à la sécurité sur ce chantier. »
Noan Ecerly
Photo de Une : cc Pixabay.