De la Serbie à Gaza, la rue contre l’autoritarisme

Débats

En Turquie, Serbie, Hongrie, à Gaza, des mouvements de contestation nous rappellent que la société civile n’est pas le reflet des aspirations de ses dirigeants autoritaires. Les média indés internationaux nous parlent de ces soulèvements.

par Emma Bougerol

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Portrait dessiné de la journaliste Emma Bougerol
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« Où est Pikachu ? » se demande le média turc Bianet, dont l’illustration de l’article nous montre une mascotte du personnage de pop culture, de nuit, dans une rue enfumée, entourée de policiers, et où l’on devine d’autres manifestants derrière des camions de police. L’image réaliste a été générée par une intelligence artificielle mais fait écho à une véritable situation, filmée dans les rues lors d’une manifestation contre l’arrestation de la figure de l’opposition turque İmamoğlu.

« Pikachu a été expulsé ou est assigné à résidence. Les images vidéo n’étant pas diffusées par les médias grand public, nous sommes dans l’incertitude », ironise la chronique, faisant référence à la vague de censures et d’arrestations de ces dernières semaines dans le pays, y compris de journalistes.

Si le pouvoir autoritaire d’Erdogan réagit aussi violemment au mouvement de contestation, c’est qu’il a peur, à l’approche des élections. « Je suis descendue dans la rue contre l’arrestation d’İmamoğlu [le 19 mars] mais aussi contre toutes les actions antidémocratiques du gouvernement depuis deux ans, les journalistes arrêtés, la mainmise sur les médias », témoigne Irem, une étudiante à Istanbul, pour Basta!.

À Gaza, des manifestations pour des élections libres

Le 15 mars, à un millier de kilomètres de là, la Serbie voyait la plus grande manifestation de l’histoire du pays. « Une fois de plus, ce sont les étudiants qui ont remporté la palme en réunissant, avec le soutien des citoyens, toutes les conditions nécessaires à l’organisation de l’événement, qui s’est avéré un succès sur tous les plans », observe le site italien DinamoPress. Ce mouvement social sans précédent, porté par la jeunesse, s’indigne contre un pouvoir que, quelques mois plus tôt, Jacobin qualifiait de « vitrine du néolibéralisme autoritaire ».

Dans un tout autre contexte, le 27 mars, le média israélo-palestinien +972 raconte : « Ces deux derniers jours, les Palestiniens de la bande de Gaza sont descendus dans la rue pour exiger la fin de l’attaque génocidaire d’Israël et de la domination du Hamas sur le territoire. » En plus de la dénonciation d’une guerre et d’un blocus extrêmement meurtriers menés par Israël – plus de 50 000 personnes ont été tuées au cours de l’année et demie écoulée, précise le site indépendant –, « les manifestants dirigent également leur colère contre le Hamas : ils demandent au groupe de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin aux bombardements avant de se retirer pour permettre la tenue d’élections libres. » Il n’y a pas eu d’élections à Gaza depuis 2006, quand le Hamas les avait remportées.

Les dirigeants blâment tout sauf eux-mêmes

Les rues hongroises ont, elles aussi, vu la population se soulever contre des décisions de son dirigeant, Viktor Orbán. Le mouvement de contestation a pris forme après la décision du pouvoir d’interdire la marche des fiertés. Le 1er avril, quatre des cinq ponts de Budapest ont été bloqués pour dénoncer la politique d’Orbán.

Des manifestations suivies de près par 444, dans un live mêlant photos, textes et vidéos sur le site du média indépendant. Minute par minute, on peut voir les personnes mobilisées occuper des ponts, des foules brandir les couleurs trans et hongroises, et où, en fin de soirée, des jeunes assis entourés d’un drapeau LGBTQI+ font face à des lignes de policiers.

En Serbie et en Hongrie, les dirigeants blâment tout le monde sauf eux-mêmes, souligne Mother Jones : « Viktor Orbán (Hongrie) et Aleksandar Vucic (Serbie), confrontés à des protestations liées à la situation économique et à la corruption, ont attribué leurs difficultés politiques à des conspirations étrangères. Ils ont imputé les mouvements qui menacent leur pouvoir aux bureaucrates de l’UE à Bruxelles, à George Soros, âgé de 94 ans, et – inspiré par les actions du président Donald Trump et d’Elon Musk – à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID). » Mais la rue n’est pas dupe : ce sont bien ses dirigeants le problème, et leurs politiques de restrictions des libertés.