« L’Allemande a d’abord ouvert la fenêtre, puis la porte, et maintenant elle a clairement fait savoir qu’elle levait le barrage à l’extrême droite au cœur même de l’UE : le Parlement européen. » Le média indépendant espagnol elDiario.es revient sur la montée de l’extrême droite en Europe et sa banalisation par ses représentants.
Il cite les propos d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne (et membre du parti de droite allemand CDU), qui s’est dite prête à collaborer avec la Première ministre italienne Giorgia Meloni du moment qu’elle se montre « pro-européenne » et « respecte l’État de droit ». Or, le parti de Meloni, Fratelli d’Italia, est membre au Parlement européen du groupe d’ultra-droite Réformistes et conservateurs européens (ECR), dont font aussi partie les élus espagnols de Vox, ceux polonais du PiS et pour la France celui de Reconquête.
« La dirigeante de la CDU a simplement déclaré qu’elle avait une "approche différente" de Meloni sur des questions telles que les droits des LGBTI. En plus de menacer les ONG, le gouvernement de Meloni s’attaque aux droits des femmes et a renforcé son contrôle sur les médias publics », commente elDiario.es.
Le glissement à droite de l’Union européenne
Les élections européennes ont lieu du 6 au 9 juin dans toute l’Union. Une chose est déjà certaine, elles « témoigneront du glissement à droite du continent », prévient le média. Selon les projections de Politico au 29 mai, le groupe de droite (PPE) resterait en tête, suivi par les socialistes.
Mais les groupes d’extrême droite pourraient prendre une place non-négligeable au Parlement européen. Dans les sondages, le groupe ECR est au coude-à-coude avec les libéraux de Renew, avec environ 75 sièges possibles. L’autre groupe d’extrême droite Identité et démocratie (ID), qui compte le Rassemblement national dans ses rangs, est passé dans les sondages de 84 à 69 sièges depuis qu’il a exclu le parti allemand de l’AfD. Cela reste tout de même plus qu’aux dernières élections, où le groupe avait réuni 59 sièges. Aucun doute : l’extrême droite européenne a le vent en poupe.
Et ça, l’extrême droite le sait très bien. Les partis nationalistes ne restent pas dans leur coin à se frotter les mains, ils préfèrent le faire ensemble. Le 19 mai 2024, des partis d’extrême droite du monde entier se sont réunis à Madrid,« pour une démonstration sans précédent de sa coordination internationale », note le magazine états-unien Jacobin. Organisé par le parti Vox, les trois jours de raout ont vu défiler des invités de choix, dont « Marine Le Pen, le Portugais André Ventura, le président argentin Javier Milei et le ministre israélien du Likoud Amichai Chikli, ainsi que, par vidéo, la première ministre italienne Giorgia Meloni et le premier ministre hongrois Viktor Orbán ».
La tenue de cette grande réunion à quelques semaines de l’échéance électorale européenne n’est pas anodine, écrit Jacobin : « Elle constitue non seulement un pont essentiel entre l’extrême droite européenne et l’extrême droite latino-américaine, mais, à l’approche des élections européennes, elle cherche également à resserrer les liens entre les deux grandes familles d’extrême droite au sein de l’Union européenne. » Quand c’est pour défendre leurs causes, les nationalistes ne connaissent pas de frontières.
Pour les minorités, « une période de profonde anxiété »
Dans The Guardian, Shada Islam, journaliste et chroniqueuse spécialiste de l’UE partage ses craintes à l’approche des européennes. « Pour les musulmans et les minorités raciales et ethniques d’Europe, il s’agit d’une période de profonde anxiété personnelle », écrit la femme racisée et musulmane.
« Nombreux sont ceux qui se sentent trahis et abandonnés, non seulement par les politiques et les décideurs de l’UE - ils ne se sont jamais beaucoup souciés de nous de toute façon - mais aussi par une grande partie des médias et des "experts" de l’UE qui n’ont pas perçu les dangers d’une Europe d’extrême droite, qui ont minimisé la menace ou qui ont délibérément détourné le regard », écrit-elle aussi.
Il faut regarder dans les yeux l’Europe telle qu’elle est. Ne pas ignorer les menaces qui planent. Regarder ses inégalités, ses discriminations, ses divisions mais aussi ses victoires et ses combats. Voir les coopérations entre pays et l’impact des décisions de l’UE à l’étranger. Raconter les méthodes de l’extrême droite chez nos voisins.
Disséquer les dynamiques politiques derrière le vote. L’Europe est riche et complexe, et c’est pour cette raison que nous consacrons cette édition de « Chez les indés International » à l’Union européenne, à peine une semaine avant le début d’élections dont l’issue aura, sans aucun doute, un impact pour toutes et tous.
Emma Bougerol
Photo de une : CC BY-NC-ND 2.0 Deed European Parliament via flickr.