Élections

Le point sur les alliances à gauche et les régions où elle peut l’emporter

Élections

par Ivan du Roy

Suite au premier tour des régionales, la semaine fut riche en accords, fusions et maintiens de listes. Analyse des forces en présence et des chances de succès de la gauche. Les unions actées sauront-elles faire revenir les électeurs vers les urnes ?

Avec des alliances, des fusions ou des désunions à géométrie variable, comment s’y retrouver dans les listes d’union de gauche et des écologistes qui se maintiennent au second tour ? Et quelles sont leurs chances de l’emporter selon les régions ? Après un premier tour marqué par une abstention massive, en particulier chez les moins de 35 ans, reste à voir si la simplification de l’offre politique autour d’un programme commun écologiste et social dans plusieurs régions entraînera une hausse de la participation. En particulier là où la gauche réunie peut envisager gagner.

Là où la gauche s’est réunie

Île-de-France (victoire envisageable)

Il y a les régions où cela s’est passé sans accrocs. En Île-de-France, les trois forces de gauche (Julien Bayou pour EELV, Audrey Pulvar pour le PS, Clémentine Autain pour LFI), toutes qualifiées pour le second tour ont rapidement fusionné. Mathématiquement, cette union de la gauche express – qui cumule 34 % des suffrages exprimés au premier tour – est en mesure de menacer la présidente sortante Valérie Pécresse (LR, 36 %). Pour espérer l’emporter, la nouvelle union ne devra pas subir de désaffection, tout en séduisant une partie des abstentionnistes (quasi 70 %). En une décennie, les différentes forces de gauches franciliennes ont perdu la moitié de leur électorat, soit 750 000 votant.e.s. C’est dire le niveau de déception accumulé.

Pays de la Loire (victoire envisageable)

En Pays de la Loire aussi, l’alliance des gauches s’est rapidement scellée derrière le député Matthieu Orphelin (18,7 %), qui a rompu avec le macronisme en 2019. Déjà soutenu par EELV et les insoumis, il est désormais rejoint par le PS et le PCF (16,3 %). En théorie, la gauche réunie peut là aussi ravir la région à la droite, d’autant que l’ancien ministre macroniste François de Rugy (12%) a annoncé le maintien de la liste LREM en plus de celle du RN (12,5 %).

Bourgogne-Franche-Comté (victoire probable)

En Bourgogne-Franche-Comté, la présidente socialiste sortante Marie-Guite Dufay, qui avait soutenu la candidature de Macron en 2017, est arrivée légèrement en tête (26,5 %) devant le RN (23 %) et la droite (21 %). EELV (10,3 %) a rallié sa liste, assurant avoir obtenu des engagements sur « la transition écologique au service des habitants et habitantes de la région ». La liste « Le temps des cerises » soutenue par LFI n’a pas atteint le seuil des 5 % nécessaire à une éventuelle fusion.

Centre-Val de Loire (victoire probable)

Le scénario est similaire en Centre-Val de Loire qui s’étend de la lointaine périphérie parisienne à la Creuse. La liste PS et PCF du président sortant François Bonneau (25 %) intègre celle des écologistes et insoumis (11 %). De quoi devancer certainement le RN, arrivé deuxième (22 %), LR (19 %) et le parti présidentiel (16,5 %). Résultat de cette alliance : le socialiste s’est engagé en faveur d’une restauration scolaire dans les lycées de la région avec « 100 % de produits locaux » et à accélérer la rénovation énergétique des bâtiments.

Auvergne-Rhône-Alpes (défaite probable)

Le bras de fer électoral face à Laurent Wauquiez (LR) s’annonce bien plus compliqué en Auvergne-Rhône-Alpes, où les trois listes de gauche ont fusionné derrière l’écologiste Fabienne Grébert. EELV, PS, PCF et LFI y totalisent un peu plus de 30 % des suffrages, encore loin derrière Laurent Wauquiez, avec 44 % au premier tour. Celui-ci devrait en plus bénéficier du report de voix d’une partie des votants LREM (moins de 10 %).

Hauts-de-France (défaite probable, mais un retour au conseil régional)

C’est la seule région où l’union totale des principales composantes de gauche avait été réalisée avant le premier tour derrière la députée européenne écologiste Karima Delli. En 2015, la gauche avait été rayée de la carte régionale, obligée de se désister pour éviter une victoire du RN, alors FN, emmené par Marine Le Pen. Elle sera de nouveau présente au second tour et donc au conseil régional, surclassant largement la liste macroniste et ses cinq ministres, disqualifiés. Si l’objectif d’une victoire sur Xavier Bertrand (LR, 41,5 %) demeure hors de portée, l’union des gauches peut espérer ravir à l’extrême droite (24,5 % au premier tour) la place de deuxième force politique des Hauts-de-France. Et ce, malgré des tensions avec les appareils politiques censés la soutenir, critiqués pour n’avoir pas déployé une grande énergie pour mener campagne. En plus d’une remobilisation éventuelle des abstentionnistes de gauche, la liste pourrait recueillir une partie des votants de Lutte ouvrière (3,5 %).

La Réunion (victoire envisageable)

Quatre listes de gauche ont fusionné derrière la candidate (divers gauche) Huguette Bello. Cumulant plus de 50 % des suffrages, elles peuvent mathématiquement battre le président sortant Didier Robert (droite, 31 %), condamné un mois avant le scrutin à trois ans d’inéligibilité et 15 mois de prison avec sursis pour « abus de biens sociaux » (il a fait appel). À condition que le report des voix fonctionne.

Là où la gauche reste désunie

Occitanie (victoire très probable du PS)

La présidente socialiste sortante Carole Delga est arrivée largement en tête (39,5 %) devant l’extrême droite (22,5 %) et la droite (12 %). Elle estime donc n’avoir pas besoin d’intégrer des élus et des propositions portées par les écologistes (9 %) qui ne peuvent de toute façon se maintenir. De son côté la liste insoumise dépasse à peine 5 %.

Bretagne (victoire probable du PS)

Il y aura en Bretagne une quinquangulaire – et l’occasion d’apprendre un nouveau mot. Cinq listes s’y maintiennent au second tour : celle du président socialiste sortant Loïg Chesnais-Girard (21 % des voix au premier tour), de LR (16%), de LREM (15,5%), d’EELV (15%) et du RN (14,5%). L’ancien maire de Langouët, Daniel Cueff, médiatisé pour avoir pris des arrêtés anti-pesticides dans sa commune, et qui menait une liste écologiste « citoyenne » (6,5 %) a décidé de faire alliance avec le PS. Au grand dam de plusieurs de ses colistiers, qui ont quitté la liste avec fracas, et d’une partie de son électorat, qui ne comprennent pas ce ralliement à l’exécutif sortant critiqué pour son soutien à l’agro-industrie. De son côté EELV a dédaigné les appels du pied des insoumis locaux (5,5 %) pour une fusion, malgré la proximité de leurs programmes, sur les pesticides notamment. Pas sûr que cette tambouille donne envie aux 65 % d’électeurs qui ne se sont pas déplacés le 20 juin de se mobiliser, dans une région sinistrée par les pollutions agricoles.

Nouvelle-Aquitaine (victoire probable du PS)

Comme en Bretagne, la région connaîtra une quinquangulaire. Et deux listes de gauche s’y affronteront : la liste du président socialiste sortant, arrivée en tête (29 %) et celle de EELV (12 %) n’ont pas réussi à s’entendre sur l’importance de l’écologie. Les écologistes n’ont pas non plus tendu la main à la candidate insoumise locale (5,5 %). Autres listes en lice : le RN (18 %), LREM (13,5 %), LR (12,5 %).

Normandie (défaite probable)

La liste socialiste et écologiste (18,5 %) ne fusionnera pas avec la liste insoumise et communiste (9,5 %), laissant le champ libre à une victoire quasi certaine du président sortant centriste Hervé Morin (37 %). À voir si la liste de gauche réussira cependant à reléguer l’extrême droite (20 %) en troisième position.

Grand-Est (défaite assurée)

Malgré ses 14,6 %, EELV a décidé d’affronter seul la droite régionale (31 %) et le RN (21 %). Les écologistes et la liste de la socialiste Aurélie Filippetti (8,5 %, soutenue par LFI et le PCF) n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la répartition des places dans le cadre d’une fusion. Résultat : la gauche jouera les figurants dans cette région où l’abstention dépasse les 70 %.

Là où il n’y a pas de gauche au second tour

Enfin, en PACA, comme en 2015, aucune liste de gauche ne sera présente au second tour. L’écologiste Jean-Laurent Felizia (17 %) s’est finalement désisté pour tenter d’éviter que l’extrême droite, arrivée en tête avec 36,5 %, ne s’empare de sa première région. Seule droite et extrême droite siègeront donc au conseil régional.

Ivan du Roy

« Citoyen ne s : comment reprendre le pouvoir ? », un événement dont basta! est partenaire

Comment expliquer une telle abstention lors des élections ? À quoi est due la montée en puissance du RN ? Pourquoi les jeunes se désintéressent-ils de la politique ?
Entre perte de confiance dans nos institutions, manque de représentativité, polarisation des débats et fake news sur les réseaux sociaux, comment nous, les citoyennes, pouvons-nous reprendre le pouvoir et nous faire entendre, alors que les inégalités n’ont jamais été aussi élevées et l’urgence climatique aussi importante ?
Les élections de 2022 sont un enjeu crucial pour notre pays, et nous voulons prendre en main le débat, pour ne pas rester simples spectateursrices de la crise démocratique, sociale et écologique dans laquelle nous nous sommes engouffrés.

RDV lundi de 18H à 22H pour une émission spéciale

Toutes les infos par ici : https://www.facebook.com/events/156642239850285

Déroulé de l’émission

18h-18h45 : Où en sommes-nous en politique ?
Invité.es : François Boulo, Usul, Anne-Sophie Simpere (Amnesty)
Animation : Paloma Moritz (BLAST)

Entracte : vidéo Humeco

19h-19h45 : Quel rôle des médias pour 2022 ?
Invité.es : Jean Massiet, Samuel Gontier,
Animation : Laurie Debove (La Relève et La Peste)

20h-20h45 : Comment renouveler notre démocratie en 2022 ?
Invité.es : Mathilde Imer, Priscillia Ludosky, Armel Le Coz, Fatima Ouassak
Animation : Paloma Moritz (BLAST)

21h - 21h45 : Comment reprendre le pouvoir ?
Invité.es : Arié Alimi, Lumir Lapray, Clément Pairot, David Dufresne
Animation : Stacy Algrain (Penser l’Après)