Politique

L’extrême droite française refuse toujours de condamner « toutes les formes de violences à l’égard des femmes »

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par Emma Bougerol, Ivan du Roy, Rachel Knaebel

Condamner les violences faites aux femmes, renforcer la démocratie ou proclamer l’égalité des droits : ces sujets ne font pas consensus au Parlement européen. L’extrême droite s’y oppose systématiquement, la droite hésite.

Que votent les députés français au Parlement européen ? Les débats au sein de l’hémicycle strasbourgeois sont beaucoup moins médiatisés que ceux qui agitent le Palais Bourbon. Ils sont pourtant riches d’enseignement sur les positions prises par les partis qui y siègent. Surtout en campagne présidentielle, lorsqu’il s’agit de mesurer le degré de sincérité derrière les propositions des programmes et les grandes tirades des meetings.

79 députés français siègent au Parlement européen. Les deux groupes les plus importants sont celui d’En marche, soutien d’Emmanuel Macron, et celui du Rassemblement national, soutien de Marine Le Pen, avec respectivement 29 élus (dont deux élus qui sont, depuis, passés chez Éric Zemmour). Viennent ensuite les écologistes, qui soutiennent Yannick Jadot (13 députés), LR avec Valérie Pécresse (8 députés), puis la France insoumise (Jean-Luc Mélenchon, 6 députés) et le groupe socialiste (6 députés), partagé pour l’instant entre Anne Hidalgo et Christiane Taubira. Nous nous sommes intéressés à plusieurs votes sur des enjeux que basta! juge essentiels, en matière sociale, économique, écologique et démocratique (lire également notre analyse ici).

Les parlementaires européens ont un rôle de codécision pour voter des législations comme la Politique agricole commune (PAC), qui dépendent du budget de l’Union européenne. Le plus souvent, ils se prononcent sur des résolutions et des rapports. Leurs votes participent à définir les priorités politiques de l’Union européenne, influencent de futures directives, ou appuient la défense des droits et libertés au sein des pays membres.

Voir nos précédents volets :
 L’extrême droite indifférente au sort des travailleurs précaires et aux abus des multinationales).
 Quand le soutien à l’agriculture industrielle et polluante fait consensus de l’extrême droite à la Macronie

L’extrême droite refuse de condamner les violences faites aux femmes

Le Parlement européen s’est prononcé le 16 septembre 2021 sur un rapport qui condamne « toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des filles dans toute leur diversité ainsi que les autres formes de violence fondée sur le genre, telles que la violence à l’égard des personnes LGBTIQ+ en raison de leur genre, de leur identité de genre, de leur expression de genre ou de leurs caractéristiques sexuelles » (lire aussi notre bilan du quinquennat sur le sujet).

Difficile de ne pas condamner ces formes de violence... Pourtant, les députés d’extrême droite s’y sont opposés d’un seul bloc. Le chef de file des Républicains, François-Xavier Bellamy, s’est abstenu – contrairement à ses collègues du même parti, favorables à la résolution.

RN et LR contre l’égalité d’accès à la contraception et à l’avortement

En Pologne, le gouvernement ultraconservateur du PiS a quasiment fait disparaître l’accès à l’avortement légal fin 2020 [1]. Aujourd’hui, deux motifs seulement peuvent autoriser à un avortement dans le pays : danger pour la femme enceinte ou grossesse résultant d’un viol ou d’un inceste. Dans ce contexte, le soutien des parlementaires européen pour le droit à l’avortement et à la contraception pour toutes les femmes dans tous les pays membres de l’UE est un signal important. Le 24 juin 2021, le Parlement européen a voté en majorité en faveur d’un accès à l’avortement gratuit et légal pour toutes les femmes de l’UE. Cette même résolution insistait aussi également sur la nécessité d’un accès généralisé à la contraception et à l’éducation sexuelle. Mais cette prise de position n’a pas été du goût des parlementaires de droite et d’extrême droite française : les élus du RN s’y sont unanimement opposés, les Républicains se sont abstenus ou ont voté contre.

Égalité des droits pour tous les couples : l’extrême droite s’y oppose, les Républicains divisés

En septembre 2021, une autre résolution du Parlement européen réaffirme l’égalité des droits entre couples homo et couples hétéro partout dans l’Union européenne. Là encore, c’est un signal de soutien envoyé vers la Pologne, où des communes se sont déclarée l’an dernier « zones anti-LGBT », et la Hongrie, où le gouvernement a adopté en juin 2021 une loi dénoncée comme clairement homophobe par Amnesty.

Les élus d’extrême droite française se sont unanimement opposés au texte du Parlement européen. Un vote similaire à celui de leurs homologues polonais et hongrois des partis de gouvernement très à droite (PiS et Fidesz). La résolution mentionne d’ailleurs de possibles sanctions envers ces pays ainsi qu’envers la Roumanie, pour violation des valeurs européennes. Quelques élus français de droite LR se sont « rebellés » contre la consigne de leur groupe du Parti populaire européen (PPE), qui était de s’abstenir, et ont tout de même voté en faveur de ce texte. Ce n’est pas le cas Nadine Morano, conseillère politique pour la campagne de Valérie Pécresse, qui s’est abstenue. Malgré ces oppositions, la résolution a été approuvée.

Renforcer la démocratie et la liberté de la presse : l’extrême droite vote contre

En novembre dernier, le Parlement a adopté une résolution pour « renforcer la démocratie ainsi que la liberté et le pluralisme des médias dans l’UE ». Dans ce texte, les parlementaires invitent la Commission européenne à présenter des propositions pour lutter, dans tous les pays membres, contre les poursuites-bâillons à l’encontre des journalistes et des organismes de presse. « Le journalisme indépendant, impartial, professionnel et responsable, ainsi que l’accès à une information pluraliste constituent des piliers essentiels de la démocratie », soulignent les élus. Enfin, pas pour tous. Les parlementaires du Rassemblement national ont voté contre ce texte. Trois élus LR (François-Xavier Bellamy, Nadine Morano et Brice Hortefeux) ont jugé préférable de s’abstenir. Les autres députés français présents ont voté favorablement.

Lutte contre la racisme : le RN est contre, LR ne prend pas position

Dans une résolution votée le 19 juin 2020 « sur les manifestations contre le racisme après la mort de George Floyd », le Parlement européen s’est prononcé en majorité pour « condamner fermement toutes les formes de racisme, de haine et de violence », ainsi que « le suprémacisme blanc sous toutes ses formes », et a demandé « aux institutions de l’UE et aux États membres de reconnaître officiellement les injustices et les crimes contre l’humanité commis dans le passé à l’encontre des personnes noires et des Roms ».

Le texte considère également « que l’esclavage est un crime contre l’humanité ». Les élus français écologistes, insoumis, socialistes et LREM ont voté pour, comme sur l’ensemble de ce type de sujets. Les LR, hésitants, se sont abstenus. Et comme dans les cas de violences fondées sur le genre, le RN s’est refusé à condamner le racisme et la haine.

Emma Bougerol, Ivan du Roy, Rachel Knaebel

Infographies : Christophe Andrieu

Photo : Manifestation à l’initiative du collectif « Nous Toutes » à Paris le 21 novembre 2021. ©Midia Ninja.

Notes

[1Voir cet article de Mediapart.