La capitale péruvienne de l’Amazonie, Iquitos, « est une ville qui rugit ». Le bruit des moteurs des bateaux, vedettes, motos-taxis et autres transports en commun ou embarcations fait vibrer la ville constamment. Enfin presque. « À la fin du mois d’août de cette année, ce vacarme s’est en partie arrêté », rapporte le magazine péruvien Ojo Público. Il n’y avait plus assez d’essence. La compagnie qui livre du carburant à la ville n’a pas pu en acheminer autant que prévu à cause du faible niveau des rivières.
Le média d’enquête raconte, dans un article illustré de magnifiques photos, comment la déforestation a aggravé ces périodes de sécheresse. Elles sont désormais de plus en plus fréquentes. « Depuis quelques temps, les scientifiques se demandent si l’Amazonie n’a pas déjà atteint, ou n’est pas sur le point d’atteindre, le point de non retour, ou tipping point en anglais. C’est-à-dire le moment où les écosystèmes forestiers ne pourront plus fonctionner comme aujourd’hui, mais seront transformés, voire disparaîtront », écrit le média latino-américain.
Les responsables politiques ne semblent pas toujours avoir pris conscience de ce bouleversement climatique. Au Brésil, Agência Pública dresse le portrait de maires condamnés pour des crimes environnementaux pour déforestation, et pourtant réélus lors des élections locales de cette année (le premier tour a eu lieu le 6 octobre). Le média brésilien détaille l’un des « cas les plus emblématiques », celui de Weder Makes Carneiro, connu sous le nom de Pirica.
Des élus financés par les énergies fossiles
En 2019, il a été condamné à une amende pour avoir fait détruire par le feu plus de 739 hectares de forêt d’une zone indigène en Amazonie. Le média révèle que 69 des maires élus aux précédentes élections de 2020 ont été condamnés à des amendes par l’Agence nationale de l’environnement (Ibama), pour des infractions environnementales (destruction de forêts, déboisement illégal…) entre 2015 et 2024.
En Amérique du Nord, le site Jacobin parle lui des élus qui cherchent à bloquer l’action politique face aux catastrophes climatiques. « Alors qu’un ouragan intensifié par les eaux chaudes de l’océan menace de détruire la région de Tampa Bay, en Floride, écrivait le média le 9 octobre, les Républicains de Floride financés par l’industrie des combustibles fossiles proposent une loi qui empêcherait le président de déclarer l’état d’urgence climatique. » La tempête Milton a laissé dans son sillage au moins 16 morts et de vastes destructions.
Les deux élus républicains en question, Greg Steube et Byron Donalds, considèrent la crise climatique actuelle comme une « fausse urgence ». Il faut dire qu’ils ont reçu « plus de 175 000 dollars provenant d’intérêts pétroliers et gaziers », souligne Jacobin. Byron Donalds a notamment voté contre l’augmentation des fonds du l’Agence fédérale de gestion des situations d’urgence (FEMA), qui risque de ne pas être capable de subvenir aux besoins des populations alors que des ouragans de plus en plus violents et fréquents continuent de toucher les États-Unis.
La FEMA utilise ses fonds dédiés aux catastrophes naturelles pour proposer une aide financière aux victimes, reconstruire les bâtiments publics détruits ou encore financer le nettoyage des débris. En moyenne, le fonds a dépensé 12 milliards d’euros par an entre 1992 et 2021, écrit le média Grist. « Comme les phénomènes météorologiques extrêmes sont aggravés par le changement climatique et touchent une plus grande partie du pays, les besoins en matière d’aide d’urgence en cas de catastrophe continueront d’augmenter », affirme la magazine consacré à l’environnement.
Quand les politiques aggravent les choses
La catastrophe qui a touché la Floride semble avoir agité les élus américains. « Mercredi, des dizaines de membres démocrates du Congrès ont exhorté Mike Johnson [président de la Chambre des représentants] à reconvoquer la Chambre des représentants pour qu’elle adopte des fonds supplémentaires pour l’aide aux sinistrés. Certains élus républicains, même ceux qui avaient initialement voté contre le projet de loi du Congrès qui a alloué 20 milliards de dollars à l’agence de gestion des situations d’urgence, réclament désormais publiquement davantage de fonds pour la FEMA », raconte Grist.
Dans son éditorial du 10 octobre, The Guardian rappelle que « les conditions météorologiques extrêmes sont en passe de devenir la nouvelle norme. Cet automne, des pluies torrentielles se sont abattues sur le Sahara et des inondations soudaines se sont produites au Myanmar, au Viêt Nam et en Thaïlande. Elles font suite aux pluies torrentielles du printemps au Brésil, aux Émirats arabes unis et au Kenya, ainsi qu’aux fortes inondations en Allemagne. Des vagues de chaleur meurtrières ont frappé l’Asie du Sud et du Sud-Est, puis la Méditerranée. »
De cette observation, le média britannique affirme : « Les politiques extrêmes aggravent les conditions météorologiques extrêmes. » Sans action politique à la hauteur de l’urgence, les catastrophes continueront d’arriver plus violemment et plus souvent, et elles rendront aussi la vie des survivant
es plus incertaine et précaire qu’avant.Emma Bougerol
Photo de une : Une rue de Porto Alegre, au Brésil, lors des inondations de mai 2024. CC BY-NC 2.0 Maí Yandara / Midia NINJA via Flickr