La mainmise de l’industriel Vincent Bolloré sur une partie toujours plus grande des médias en France a attiré l’attention sur un danger : la concentration des titres de presse aux mains d’une poignée de milliardaires. Une autre menace pèse aussi sur l’information indépendante : la tutelle des géants de la tech, Meta, X (ex-Twitter), TikTok et bien sûr Google, sur la diffusion de nos contenus.
Parce que nous devons construire notre autonomie aussi dans la diffusion de nos contenus, Basta! a pensé un projet fou : une plateforme d’actualité, dédiée à la presse indépendante du monde entier, animée et piloté par des journalistes.
En seulement quatre ans passés dans les médias indés, j’ai vu l’emprise des compagnies de la Silicon Valley se resserrer brutalement autour de nous – et de vous.
Des réseaux devenus des cellules de confinement
Les réseaux sociaux, Facebook et X en tête, représentaient encore récemment des chambres d’écho pour les médias, a fortiori pour ceux tout en ligne (les « pure players » dans le jargon) qui ne peuvent pas se faire connaître en kiosque, dans les gares, les bibliothèques ni sur les plateaux des grandes télés et radios.
Ces réseaux « sociaux » sont désormais devenus des cellules de confinement. L’info y est enterrée, déclassée, au profit de propos outranciers, de réactions stériles, de querelles d’opinions, bref de tous ces contenus qui participent à un but : faire rester les utilisateur
ices sur ces plateformes en suscitant des émotions, le plus souvent négatives, plutôt que de partager la connaissance et inviter à la réflexion.Les visites depuis ces réseaux vers Basta! ont été divisées par 13 depuis mon arrivée, en 2020.
La concurrence de l’intelligence artificielle
Les moteurs de recherche, un marché outrageusement dominé par Google, se sont servis des contenus des médias pour engranger des fortunes en revenus publicitaires. La presse y trouvait sa contrepartie : du trafic, et par là de potentiels nouveaux et nouvelles abonné
es ou donateur ices. Mais le développement n’a finalement profité qu’à une partie de la presse seulement, les plus gros médias, ceux qui peuvent suivre le rythme des optimisations techniques permanentes et publier en grande quantité.Là aussi, le vent tourne. L’arrivée de l’intelligence artificielle générative, l’IA, est en train de bouleverser ce petit équilibre. Car les moteurs peuvent maintenant produire des réponses précises, en agrégeant des contenus de presse, sans forcément renvoyer vers les articles qui en sont les sources. Ni rémunérer les éditeurs – hormis à ce jour en France le groupe Le Monde qui a signé un accord avec l’entreprise qui a développé ChatGPT, Open AI. Accord dont le montant est resté confidentiel.
Si l’on ne réagit pas, quelques titres seulement tireront leur épingle du jeu. Pendant que le gros des médias en ligne glissera petit à petit, sans trop de bruit, vers les invisibles abysses du web. Pour conjurer ce risque, et sans attendre une régulation publique qui tarde, nous devons créer nos propres canaux de diffusion. Le Portail des médias indépendants sur lequel nous travaillons d’arrache-pied est un pas dans cette direction.