Documentaire

« La Bataille de la Plaine » : un film sur le combat d’habitants face à un projet fait pour « virer les pauvres »

Documentaire

par Thalia Creac’h

Inspiré par La Commune de Peter Watkins, La bataille de la la Plaine retrace quatre ans de lutte des habitant.e.s de Marseille contre la gentrification. Le film, dont Basta! est partenaire, est accessible en ligne jusqu’au 25 avril.

La Plaine, c’est un quartier de Marseille qui ne ressemble à aucun autre. Lieu historique de mélange, ouvert et endiablé, c’est un espace qui appartient à ses habitant.e.s. Enfin, ça, c’était avant que la mairie de la ville, alors dirigée par Jean-Claude Gaudin, ne décide la rénovation complète de la place, aspirant par là-même la vie du quartier.

La bataille de la la Plaine raconte la lutte pour la réappropriation de cet espace par une partie des Marseillais.e.s, en réaction au projet de rénovation imaginé par la mairie de Marseille et la Soleam, son bras armé en matière d’urbanisme local. Ce film, entre documentaire et fiction, a été réalisé par Sandra Ach, Nicolas Burlaud et Thomas Hakenholz, en coopération avec les habitant.e.s. Il relate quatre années de mobilisation et d’initiatives citoyennes et laisse la parole à des personnes impliquées dans la vie du quartier qu’ils chérissent. Son objectif est de donner à voir l’histoire sous un autre angle, qui n’aurait pas été écrit pas les dominant.e.s. Tout au long du film, un parallèle entre la mobilisation de la Plaine et la Commune, qui fête en 2021 ses 150 ans, est mis en avant, les militant.e.s évoquant eux-mêmes le combat des communard.e.s [1].

Entre ce que souhaitent réellement les habitant.e.s et ce que la mairie met en place, le fossé est immense. Beaucoup de Marseillais.e.s disent que ce projet est avant tout fait pour « virer les pauvres », la suppression du marché populaire en étant la preuve la plus flagrante. Des élu.e.s ne s’en cachent pas et ont clairement affirmé que l’objectif était de « monter en gamme ». Tout le monde s’accorde pour dire que la Plaine a besoin d’être rénovée, mais la mairie fait la sourde-oreille à toutes les suggestions populaires.

Une rénovation pensée pour les touristes, pas pour les habitants

La rénovation de la Plaine n’est pas pensée pour ses habitant.e.s mais bien pour les touristes. Or, montrer les projets proposés par les habitants, qui sont riches et nombreux, c’est justement l’aspiration de ce film. Alors que Gaudin martèle qu’il « faut de l’ordre » et que les élu.e.s réduisent les mobilisations citoyennes à de la violence, du désordre et de la saleté, le documentaire-fiction présente une tout autre réalité : une vraie communion, symbolisée par des échanges, de la convivialité, des gens qui mangent, dansent et jouent aux boules ensemble. On se demande ainsi pourquoi les élu.e.s n’ont pas laissé la main aux habitant.e.s pour prendre les décisions concernant la rénovation. Après tout, ce sont eux qui vivent dans le quartier.

En octobre 2018, la « bataille de la plaine » a atteint un point de non retour. La mairie a érigé un mur tout autour de la place. Les services de la mairie ont dit vouloir « éviter toute intrusion », alors que cet espace appartient justement aux habitant.e.s. Quand on regarde derrière les murs de 2 mètres 50 de haut, la scène est d’une violence inouïe : alors que, jusque-là, la Plaine était un lieu de vie, il ne reste maintenant plus que des gravats et des arbres coupés.

Mais cette mobilisation, raconte le film, n’aura pas été vaine. En un sens, c’est une victoire. Les habitant.e.s ont créé quelque chose de vrai, de joyeux qui fait la différence avec la bétonisation triste et froide.

Cette « bataille de la la Plaine » est emblématique d’un problème qui ronge la ville, parsemée d’immeubles insalubres. Beaucoup de projets de rénovation, initiés depuis plusieurs années dans le but d’attirer des touristes, anéantissent l’identité marseillaise tandis que des immeubles s’effondrent. C’est ce qu’il s’est passé rue d’Aubagne. Dans une ville qui, tout au long du mandat de Jean-Claude Gaudin, a été rongée par la corruption, la question de l’allocation de l’argent public est particulièrement épineuse.

Le documentaire, produit par Primitivi, est disponible en VOD sur Cinémutins. Il est en avant-première jusqu’au 25 avril, en attendant la programmation au cinéma. La location du film pour sept jours est à quatre euros.

Pour accéder au film en avant-première : https://www.cinemutins.com/la-bataille-de-la-plaine-en-avant-premiere-jusqu-au-25-avril

Pour plus d’informations : https://www.primitivi.org/La-Bataille-de-la-Plaine

Bande-annonce La Bataille de la Plaine from primitivi on Vimeo.

Crédit photo : La bataille de la plaine

Notre précédent article sur le combat de la Plaine :
La Plaine : une « zone à défendre » au cœur de Marseille résiste à la mairie et aux promoteurs immobiliers, le 17/10/2018

Notes

[1Marseille avait aussi proclamé la Commune en mars 1871, quelques jours après l’insurrection parisienne. Les communards phocéens seront réprimés dans le sang deux semaines plus tard.