« Votre idée est pertinente. » C’est ainsi que la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a salué, le 17 janvier au Sénat, la proposition d’amendement d’un sénateur de droite visant à supprimer l’Agence bio.
« Venir nous expliquer en pleine crise de la bio qu’il faut supprimer l’acteur chargé de promouvoir nos produits, c’est pour le moins osé, s’inquiète Philippe Camburet, président de la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab). Depuis trois ans, nous avions l’impression d’être entrés dans un processus collaboratif de recherche de solutions qui vient d’être mis à terre », ajoute-t-il.
Cet amendement a été déposé par le sénateur Laurent Duplomb (groupe LR), qui a présidé la chambre d’agriculture de Haute-Loire comme élu FNSEA/JA jusqu’en 2017. L’homme s’est également récemment illustré par une proposition de loi visant à à mettre fin aux « surtranspositions et aux sur-réglementations » en matière de pesticides (nous en parlons ici).
Son nouvel amendement vise à supprimer la charge pour service public de l’Agence bio. Ce qui équivaut à 2,9 millions d’euros de budget en moins pour l’agence. D’après cet amendement, les missions de l’Agence pourraient être reprises par le ministère de l’Agriculture ou l’établissement public FranceAgriMer. « En ces périodes de difficulté budgétaire, personne ne peut être contre l’idée de rationaliser la dépense publique », a appuyé la ministre de l’Agriculture qui a donné son accord de bienveillance, dit « avis de sagesse », à l’adoption de cet amendement.
« Économies de bout de chandelle »
Pour Laure Verdeau, directrice de l’Agence bio, « c’est la transition alimentaire et agricole qu’on assassine ». Interrogée par l’AFP, elle dénonce « des économies de bout de chandelle » et les « incohérences » du gouvernement qui « casse l’interlocuteur des 60 000 fermes bio ».
L’Agence bio compte 23 salariés de droit privé. Ni eux ni la directrice de la structure n’ont été consultés avant cette décision. Pour son président Jean Verdier, l’Agence bio, plateforme nationale chargée de la promotion et du développement du bio, assure « trois missions » spécifiques « difficilement transférables » : un observatoire du marché, la communication et la pédagogie à destination du public, et la structuration des filières au travers du Fonds Avenir bio doté de 18 millions d’euros.
FranceAgriMer « n’a pas les compétences pour entrer finement dans les dossiers comme nous le faisons. S’ils récupèrent nos missions, ils devront embaucher… Alors quel avantage ? » interroge Jean Verdier.
Dans un rapport publié en 2022, la Cour des comptes recommandait au contraire de renforcer les moyens de l’Agence bio pour accroître la promotion de l’agriculture biologique, et non pas de la démanteler.
« Amateurisme politique »
Selon le dernier baromètre diffusé en juin 2024, 61 000 agriculteurs et agricultrices bio exercent leur métier sur 10,3 % de la surface agricole utile en France. Mais la baisse de la consommation du bio fragilise la filière depuis presque trois ans, et le risque de déconversion – le fait de repasser ses pratiques en conventionnel – est réel.
« Supprimer cette Agence revient à dire aux 215 000 emplois du secteur, et à un agriculteur sur six, qu’il n’y a pas de place pour la diversité des modèles. Cela occasionnerait une saignée démographique dans les champs. 25 % des installés en agriculture l’an dernier étaient en bio », soulignent les administrateurs et responsables des organisations de la filière réunis au sein de l’Agence bio, parmi lesquels figurent des représentants des distributeurs.
Dans ces conditions, Générations futures, une association de lutte contre les pesticides, demande « la démission de la ministre de l’Agriculture qui a manqué à son devoir de soutien de toutes les agricultures dans cette affaire ». Pour des syndicats agricoles comme la Confédération paysanne, l’État devrait plutôt « s’employer, par tous les moyens, à respecter et à atteindre les 20 % de bio dans la restauration collective » contre 6 % actuellement.
Le Sénat doit se prononcer sur l’ensemble du projet de loi de finances 2025 le 23 janvier. Celui-ci doit ensuite être examiné en commission mixte paritaire, une instance composée de sept sénateurs et autant de députés, probablement le 30 janvier.
Si les parlementaires parviennent à s’entendre, le projet de loi deviendra définitif et l’Agence bio sera invitée à mettre la clé sous la porte. Dans le cas contraire, le projet de loi repartira pour l’Assemblée nationale où il sera à nouveau examiné en deuxième lecture.