L’intersyndicale de l’hôpital psychiatrique du Rouvray, près de Rouen, a annoncé en début de semaine lancer une nouvelle grève illimitée à partir de ce 19 septembre. En cause : le non-respect par la direction de l’hôpital du protocole signé il y a plus d’un an, en juin 2018, suite à la grève de la faim menée par sept soignants syndiqués de l’établissement, pour protester contre des conditions de soin et de travail déplorables. Ni les tentatives de dialogue, ni la grève « classique » n’avaient permis d’initier des négociations avec leur direction et l’Agence régionale de santé (ARS).
La grève de la faim avait duré plus de deux semaines. L’un des soignants n’avait rien mangé pendant 18 jours. Mais la directrice de l’ARS avait attendu plus de 15 jours pour rencontrer les personnels. Dans la presse locale, elle avait même fustigé les soignants, affirmant qu’ils demandaient « une compensation de l’absentéisme ». Alors que les personnels parlaient, eux, de surpopulation constante des services, de personnes âgées réduites à devoir dormir sur un fauteuil faute de lits disponibles, d’enfants et de jeunes adolescentes et adolescents pris en charge au milieu des adultes, dans les mêmes chambres, faute de places suffisantes dans l’unité de pédopsychiatrie.
Les soignants avaient finalement obtenu la promesse de 30 créations de postes, et de deux nouvelles unités, l’une pour les jeunes adolescents, l’autre pour les patients détenus – une « unité hospitalière spécialement aménagée » (UHSA). L’hôpital avait déjà un service accueillant des détenus, mais sans moyens suffisants. Pour les soignants, la mise en place d’une UHSA devait permettre d’avoir plus de personnel, et des collègues de l’administration pénitentiaire à leurs côtés.
Un an après le protocole d’accord, la nouvelle direction remet tout en cause
Quinze mois après la signature du protocole, les soignants font les comptes : il manque toujours la majorité des postes promis. Et aucun des deux projets d’unités supplémentaires n’a été lancé, ni à Rouen ni ailleurs dans le département. Cette semaine, le nouveau directeur de l’hôpital, arrivé après la grève, a même remis en cause l’accord de 2018. Il a annoncé dans le journal local Paris-Normandie demander une « évaluation du protocole afin de vérifier si les moyens importants engagés par l’État auront permis au bout du compte d’améliorer ou non l’offre de soins ». Il a aussi dénoncé un texte « trop hospitalo-centré, qui ne correspond pas à une prise en charge moderne de la psychiatrie ». Faisant mine d’oublier qu’en psychiatrie, les soignants des hôpitaux travaillent aussi dans des structures extérieures à l’hôpital mais qui en dépendent, comme les centres médicaux-psychologiques (CMP).
En juin 2018, la victoire des soignants de Rouen avait été un signal pour celles et ceux du Havre, d’Amiens, et de multiples hôpitaux psychiatriques du pays qui avaient à leur tour engagé des mobilisations pour demander plus de moyens pour des soins de qualité. Au Havre, les soignants avaient occupé le toit des urgences psychiatriques pendant trois semaines. Eux aussi avaient fini par obtenir la promesse de 34 postes et l’ouverture d’une unité pour accueillir les patients qui dormaient sur des lits surnuméraires, entassés dans les chambres, voire sur des matelas posés à même le sol. Mais au bout de quatre mois, cette unité a été fermée. Fin 2018, l’hôpital psychiatrique du Havre était à nouveau en situation de sur-occupation.
Alors que la ministre de la Santé vient de promettre 750 millions d’euros sur trois ans aux plus de 250 services d’urgences en grève actuellement (voir notre article), le cas de l’hôpital psychiatrique de Rouen rappelle que le ministère, les agences régionales de santé et les directions des hôpitaux ont encore plus de mal à tenir leurs promesses qu’à accepter de se mettre à la table des négociations.
Rachel Knaebel
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Image : CC Force ouvrière via flickr.