Le gouvernement français va devoir se prononcer d’ici à mi-novembre sur le maintien de la France au sein du très décrié Traité sur la charte de l’énergie (TCE), ce traité nocif qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique. Alors que le Haut conseil pour le climat vient de publier un avis qui recommande « un retrait coordonné du TCE et par la France et les États membres de l’Union européenne », que l’Espagne, les Pays-Bas et la Pologne viennent d’annoncer s’en retirer – après l’Italie dès 2015 – et que la France est désormais poursuivie par un investisseur allemand au titre du TCE, plus d’une trentaine d’organisations de la société civile écrivent à plusieurs ministres du gouvernement pour les appeler à ce que la France se retire au plus vite du Traité sur la charte de l’énergie et vote contre le projet de TCE rénové lors du prochain vote du Conseil des ministres de l’Union européenne (UE).
À quelques semaines de la COP27 sur le climat qui se tiendra du 6 au 18 novembre, et alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) a mis à l’index le TCE comme un frein aux politiques climatiques ambitieuses, les organisations invitent toutes celles et ceux qui le souhaitent à se joindre à cette action en envoyant la même lettre par cet outil électronique.
Lettre ouverte : « La France doit sortir du Traité sur la charte de l’énergie »
Le 19 octobre 2022
Destinataires :
Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances
Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique
Agnès Pannier-Runacher, ministre de la Transition énergétique
Olivier Becht, ministre délégué au Commerce extérieur
Laurence Boone, secrétaire d’État chargée de l’Europe
À l’heure où la catastrophe climatique s’aggrave, les tensions géopolitiques s’accentuent et les prix de l’énergie s’envolent, comment la France pourrait-elle rester membre d’un traité, le Traité sur la charte de l’énergie, qui retarde, renchérit ou bloque la transition énergétique d’ampleur dont le besoin et l’urgence se font sentir de toute part ?
Comment accepter de rester membre d’un traité qui permet à des industriels de poursuivre des États pour leurs politiques de fermeture de centrales au charbon (Pays-Bas), d’interdiction de forages pétroliers (Italie), de restriction sur l’utilisation des techniques d’exploitation les plus néfastes (Slovénie), ou d’adaptation des mesures de soutien aux énergies renouvelables (Espagne, France) ? [1]
Cela fait désormais de nombreuses années que nos organisations alertent quant aux dangers que représente le Traité sur la charte de l’énergie [2], et plus d’un million de personnes en Europe ont signé une pétition pour demander l’UE et les États membres à se retirer du TCE [3].
Après avoir été menacée de poursuites au moment de l’examen de la Loi Hulot sur les hydrocarbures, au point que celle-ci soit édulcorée, la France est désormais poursuivie par un investisseur allemand suite à la révision à la baisse des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque, décidée en 2020 [4]. La France va-t-elle rester sans réagir face à ce traité nocif tant pour la transition énergétique que pour la capacité des pouvoirs publics de réguler finement le secteur ? Nos organisations invitent toutes celles et ceux que ce Traité révolte à nous rejoindre pour appeler solennellement le gouvernement français à ce que la France :
- se retire du Traité sur la charte de l’énergie
- vote contre le projet de nouveau Traité sur la charte de l’énergie lors du prochain vote du Conseil des ministres de l’Union européenne
- intervienne pour empêcher l’intégration d’autres pays du Sud à ce traité nocif
Signé en 1994 et entré en vigueur en 1998, le TCE est un vestige du passé : il visait à encourager et à protéger les investissements directs étrangers dans le secteur de l’énergie, en particulier dans les pays de l’ex-Union soviétique. Trente ans plus tard, cela n’a plus aucun sens : alors que l’urgence climatique impose une fermeture accélérée d’un certain nombre d’infrastructures fossiles existantes et une régulation fine du secteur de l’énergie, le TCE fragilise considérablement la capacité des pouvoirs publics à assurer à la fois la sécurité énergétique et climatique des populations. Les principes qui fondent le TCE (protection des investisseurs, non-prise en compte des enjeux climatiques, etc) ne tiennent aucun compte des immenses défis climatiques et énergétiques auxquels nous sommes confrontés.
Face aux critiques, l’Union européenne a consenti à accepter un processus de modernisation du TCE. Après plusieurs années de négociations, loin de régler les problèmes soulevés, ce traité modernisé prévoit de prolonger la protection des investissements dans les énergies fossiles sur une trop longue période, ainsi que d’étendre la protection des investisseurs à de nouveaux investissements dans l’énergie (captage et stockage du carbone, biomasse, hydrogène, combustibles synthétiques, etc.), et donc, les risques de litiges.
Alors que ces nouvelles dispositions pourraient être entérinées d’ici mi-novembre par le Conseil de l’UE, puis lors d’une conférence des États-membres du TCE le 22 novembre prochain, il est plus que nécessaire que le gouvernement français annonce voter contre ce nouveau TCE et, en suivant l’exemple d’autres pays européens tels que l’Espagne, se retire du TCE.
Veuillez recevoir l’expression de nos plus sincères salutations.
Organisations signataires :
- 350.org
- Action Non-Violente COP21
- ActionAid France
- Aitec
- Amis de la Terre
- Alofa Tuvalu
- Alternatiba
- Attac France
- Bloom
- CADTM France
- CCFD-Terre Solidaire
- Comité Pauvreté et Politique
- Confédération Paysanne
- Droit Au Logement
- Emmaüs International
- Energie de Nantes
- Escape-jobs
- France Nature Environnement
- GAFE-FRANCE
- Générations Futures
- GERES
- Greenpeace
- Institut Veblen
- LDH (Ligue des droits de l’Homme)
- Les Amis du Monde Diplomatique
- Makesense
- Notre Affaire A Tous
- Reclaim Finance
- Réseau Roosevelt IDF
- Sherpa
- Union syndicale Solidaires
- Unis Pour Le Climat et la biodiversité
- Youth For Climate
- Pour un réveil écologique
Photo de une : Une action contre le charbon en Allemagne en 2019/© Gilles Potte.