15-16 juin

Partout en France, la société se met en marche contre l’extrême droite : la carte des actions

15-16 juin

par Daphné Brionne

Après le score historique de l’extrême droite, et suite à l’annonce d’élections législatives anticipées, de nombreuses organisations appellent à manifester « le plus largement possible » ces samedi 15 et dimanche 16 juin.

Après le double choc de dimanche soir – celui du résultat historique de l’extrême-droite aux élections européennes (37% des voix en cumulant le score du Rassemblement National et de Reconquête) puis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée Nationale par Emmanuel Macron – vient le temps de l’action et des mobilisations des forces vives progressistes.

Dans un communiqué publié mardi 11 juin, cinq syndicats nationaux - la CGT, la CFDT, l’Unsa, FSU et Solidaires - appellent à « manifester le plus largement possible » ce week-end 15 et 16 juin, « pour porter la nécessité d’alternatives de progrès pour le monde du travail ».
Une mobilisation encouragée par la CGT, avant même l’appel commun de tous les syndicats. Elle propose aux salariées de s’organiser dans tous les lieux de travail, en mettant à leur disposition un kit contre l’extrême droite « mis à jour régulièrement » : une part non négligeable de l’électorat RN – un quart des votants pour la liste Bardella – se déclare proche d’un syndicat de salariés, dont la CGT, la CFDT, l’Unsa et – surtout – Force ouvrière. Il y a donc un gros travail à mener parmi les adhérents et les sympathisants. Les confédérations invitent aussi le monde du travail « à se syndiquer, à s’organiser et à participer à toutes les initiatives de mobilisation contre l’extrême droite et contre la politique d’Emmanuel Macron ».

Des actions partout en France

Des rassemblements et manifestations sont également prévus partout en France dans les semaines à venir : une Assemblée générale contre l’extrême droite et le gouvernement à Brest, une Assemblée antifasciste à Rennes, un rassemblement contre l’extrême droite à Lyon et un apéro « Jeunes pour un Front populaire » à Lille mercredi 12 juin, une assemblée antifasciste à Nantes, une AG antifa à Bordeaux et une discussion organisée par Fatima Ouassak, co-fondatrice du Front des mères dans les quartiers populaires, à Paris ce 13 juin pour s’organiser contre l’extrême droite, un atelier de tractage et de porte-à-porte antifa à Angers le 14 juin, des manifestations à Paris, Lille, Strasbourg, La Rochelle, Nantes, Bayonne, Niort et Marseille le samedi 15 juin et à Caen et Saint-Brieuc le dimanche 16 juin…

L’ensemble des mobilisations est à retrouver sur la Carte des résistances locales 2024, une carte collaborative pour recenser et diffuser les événements à travers la France contre l’extrême droite, « particulièrement dans des territoires moins investis par le nouveau front populaire que les grandes villes ».

Ces mouvements font suite à l’accord des communistes, écologistes, socialistes et Insoumis lundi 10 juin de faire « front populaire » et de présenter des candidatures uniques dans chaque circonscription aux élections législatives des 30 juin et 7 juillet. Un mouvement rejoint dès le lendemain par le Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA). « La victoire contre l’extrême droite et Macron n’est possible qu’à la condition d’une large mobilisation de la population, notamment dans les entreprises, les quartiers populaires et la jeunesse », note ce dernier.

Un « sursaut démocratique et social »

Si l’extrême droite gagne du terrain partout en Europe, la France est le pays dans lequel elle fait le score le plus élevé, déplorent les syndicats, rappelant qu’ils alertent depuis des années sur la crise sociale et démocratique qui traverse le pays. En cause : une politique de sape de droits à l’encontre des travailleurs, qui tourne le dos au social et crée du déclassement ». « L’abandon des industries et des services publics, le passage en force de la réforme des retraites, et l’absence de perspectives de progrès et la banalisation des thèses racistes constituent le terreau sur lequel l’extrême droite prospère », insistent les organisations syndicales, qui appellent à un « sursaut démocratique et social ».

Soulignant la « lourde responsabilité » que prend Emmanuel Macron en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser des législatives anticipées, les syndicats renvoient aux dégradations sociales à l’œuvre en Italie ou en Argentine, particulièrement néfastes aux travailleurs et aux plus précaires, afin de mettre en garde contre une éventuelle victoire de l’extrême droite : austérité pour les salaires et les services publics, réformes constitutionnelles remettant en cause l’indépendance de la justice et le rôle des syndicats, des politiques racistes qui mettent en opposition les travailleurs et travailleuses, remise en cause des droits et de l’émancipation des femmes…

« Ces expériences récentes nous montrent qu’une démocratie comme la nôtre peut basculer et que les droits fondamentaux peuvent régresser très rapidement. Ne reste ensuite plus que le projet xénophobe, rétrograde et anti-écologique de l’extrême droite », pointent quant à eux Les Amis de la Terre.

Des revendications sociales fortes

Afin d’engendrer un réel sursaut, les organisations syndicales listent dans leur communiqué une dizaine de revendications sociales fortes. Le renoncement à l’assurance-chômage, en premier lieu, qui vise à durcir les conditions d’indemnisation des chômeurs. Suite à la dissolution de l’Assemblée Nationale, cette dernière pourrait être adoptée par décret. Ils demandent aussi de revenir sur la réforme des retraites. Le président du RN Jordan Bardella disait vouloir abroger cette réforme, qu’il qualifiait de « catastrophique » sur le plan économique et « ne faisant pas d’économies ». Le RN n’en fait finalement plus une priorité, restant flou sur ses intentions.

Les organisations syndicales souhaitent également l’instauration de l’égalité salariale et la mise en place de mesures de justice fiscale, la taxation des super-profits notamment. Depuis 2017, ces derniers bénéficient d’une fiscalité particulièrement avantageuse, avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune en 2018 ou encore la suppression de la taxe d’habitation l’année dernière, pour ne citer que ces deux mesures. Enfin, les syndicats demandent la création de nouveaux droits pour les travailleurs « afin d’anticiper les transformations environnementales et de sécuriser leur emploi ».

Les associations mobilisées

L’appel à la mobilisation a été relayé peu de temps après par l’Intersyndicale de l’enseignement supérieur et de la recherche : « L’extrême droite ne condamne jamais l’insuffisance des moyens dans les universités, les services et les laboratoires, ni ne parle de la dégradation des conditions de travail pour tous les personnels. Nos organisations appellent dès maintenant les personnels et les étudiantes à se mobiliser massivement pour empêcher l’extrême droite d’arriver au gouvernement. » De nombreux syndicats étudiants locaux, comme l’Alternative étudiante Besançon ou l’Union Pirate de Rennes, appellent à multiplier les rassemblement et à rejoindre « en masse » le « Nouveau Front Populaire ».

Plusieurs associations ont aussi rejoint cette union des forces sociales. La Ligue des droits de l’Homme demande ainsi « à l’ensemble des forces politiques de dialoguer, de mettre l’ensemble de leur divergence de côté et de se mobiliser afin de proposer un front commun dans le champ électoral face à l’adversité », et dit vouloir travailler à cela sans tarder avec toutes les forces syndicales et associatives qui partagent cet objectif. Attac France répond également présent devant cette « tâche immense ». « Il nous faut retrousser nos manches et passer à l’offensive pour installer une majorité progressiste à l’Assemblée », insiste l’organisation.

De nombreuses organisations environnementales et féministes appellent également à aller voter et à rejoindre les manifestations contre l’extrême droite prévues avant le premier tour des élections législatives : Greenpeace, Les Soulèvements de la Terre, Front de Mères

« Pour les femmes, les personnes racisées, les personnes LGBTQIA+, les enfants, les groupes marginalisées, les personnes qui militent pour les droits humains et pour la préservation du vivant, l’accession au pouvoir par l’extrême droite le 7 juillet ne se résumera plus à des enjeux de droits, mais bel est bien de survie, s’inquiète le collectif Nous Toutes. Notre existence est prise en joug par ces forces politiques mortifères, notre riposte est forte, dans notre chair, dans les rues »