Santé

Les pompiers et le mouvement des hôpitaux convergent face à la dégradation du service public

Santé

par Nolwenn Weiler

Les pompiers battront le pavé parisien ce mardi 15 octobre, aux côtés de leurs collègues des hôpitaux dont le mouvement continue de s’étendre. Au cœur de leurs inquiétudes : la qualité dégradée de la prise en charge des patients, liée à leurs conditions de travail de plus en plus pénibles.

Les pompiers et personnels des urgences, rejoints par d’autres secteurs hospitaliers, manifestent ensemble ce mardi 15 octobre dans les rues de Paris. Ils sont habitués à se côtoyer : « On se voit au travail, à hôpital, tous les jours », raconte Matthieu, pompier à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), et membre du syndicat autonome de la fonction publique (SAFP). Avec ses collègues, il a vu augmenter le nombre de brancards installés dans les couloirs, et les cernes se creuser sous les yeux des soignants.

« Le confort des victimes et la santé des patients passent par le bien-être au travail des agents, poursuit Matthieu. Or, les conditions d’exercice ne cessent de se dégrader. Nos collègues soignants sont de plus en plus nombreux à être en burn-out. » La qualité d’accueil est d’autant plus importante que nombre de gens qui arrivent aux urgences sont sérieusement amochés. Notamment celles et ceux qui sont amenés par les pompiers.

« On laisse là des gens en pleurs, sans pouvoir les aider. C’est très dur »

« Les gens qui ont eu un accident de voiture sont souvent très angoissés, décrit Laure, infirmière et membre du collectif Inter-urgences au sein de l’hôpital local. Mais bien souvent on est obligés d’arrêter les discussions qui leur font tant de bien, parce qu’on n’a pas le temps. On laisse là des gens en pleurs, sans pouvoir les aider. C’est très dur. » « A Saint-Malo, 41 000 personnes passent aux urgences tous les ans, alors que le service est dimensionné pour en accueillir 20 000, précise Katell, infirmière. À Partir de 21h, il n’y a plus de secrétaire d’admission. Ce sont les infirmières qui doivent tout faire, et nous ne sommes jamais assez nombreux pour assurer les soins. Les gens passent des heures et des heures à attendre, c’est intolérable. Les pompiers sont évidemment impactés par cette très mauvaise organisation. »

« Les temps d’attente ne cessent de s’allonger, même pour nous lorsque nous amenons des patients, alors que nous sommes censés être prioritaires, se désole Matthieu. Nous ne voulons pas laisser des personnes âgées que nous avons ramassées par terre chez elles sur des brancards, dans un couloir, à l’hôpital. »

« Ce n’est pas sécurisant pour les patients, et pour nous non plus, reprend Laure. Nous ne pouvons pas gérer tout le monde. Dans les couloirs, les gens n’ont pas de sonnettes pour nous prévenir. Nous avons des anciens qui ont des soucis de démence et qui se lèvent, se déshabillent parfois, et errent entre les brancards. C’est affreux d’accueillir les gens dans de telles conditions. »

Faudra-t-il grimper à l’échelle de 35 mètres jusqu’à 60 ans, voire plus ?

« Le malaise des établissements hospitaliers nous touche bien évidemment, constate Hervé, pompier depuis plus de 30 ans, et syndiqué à la CGT. Ils sont en train de les démanteler, de les privatiser pour les donner en pâture à des gens qui vont faire de la spéculation. Comme ils ont fait avec la SNCF. » En plus de dénoncer une dégradation de toute la chaîne de secours, les pompiers tiennent à alerter l’opinion sur deux points qui les concerne plus particulièrement, en premier lieu les menaces qui planent sur leur retraite. Bénéficiant d’un régime spécial, dû aux risques inhérents à leur métier, les pompiers ont le droit de partir dès 57 ans à la retraite, moyennant une sur-cotisation, et sous réserve d’avoir travaillé 42 ans. Ce dispositif pourrait prendre fin avec la nouvelle réforme des retraites.

« On commence à nous dire qu’il va falloir continuer à monter à l’échelle de 35 mètres, même passés 60 ans... Ça va être compliqué !, souligne Hervé. Sur le terrain, tant qu’on est suffisamment nombreux, on s’organise pour que ce soit les plus jeunes qui y aillent, mais comment fera-t-on demain ? » Les pompiers demandent également une revalorisation de leur prime de feu, qu’ils aimeraient voir convertie en prime de risque. Leur récente participation à l’extinction de l’incendie de Lubrizol à Rouen, dans des conditions très difficiles, a clairement souligné les dangers auxquels ils peuvent être exposés.

« On intervient aussi de plus en plus souvent sur des scènes d’attentats », ajoute Hervé. D’autres évoquent les agressions qu’ils subissent, en augmentation. « Il s’agit de remettre l’humain au cœur des préoccupations des politiques, affirme Katell, du collectif Inter-urgences. Il faut nous rassembler pour lutter : pompiers, retraités, usagers, soignants des différents services ... tous ensemble, nous serons plus forts. »

Nolwenn Weiler

Photos : Nolwenn Weiler
Sauf photo de une : CC Guitguit

Liens :
 Le collectif inter-urgences
 Le collectif Inter-hôpitaux
 Courrier de lintersyndicale des pompiers