Pourquoi les mobilisations étudiantes pour la Palestine font-elles si peur ?

par Emma Bougerol

Aux États-Unis et dans certains pays d’Europe, les manifestations de soutien au peuple palestinien dans les universités rencontrent une répression grandissante. Il est vrai que la force de mobilisation des étudiantes a de quoi inquiéter... ou réjouir.

Portrait dessiné de la journaliste Emma Bougerol
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« Enveloppé dans un keffieh, un garçon pose ses mains sur la rambarde de la fenêtre du premier étage du siège de Sciences Po, la prestigieuse université de l’élite parisienne. Il fait partie des nombreux étudiants qui occupent depuis jeudi soir l’établissement », raconte le journal italien Il Manifesto le 27 avril. Depuis, la mobilisation a fait tâche d’huile, comme à Sciences Po Bordeaux ou à l’école de journalisme ESJ de Lille.

Les démonstrations de solidarité dans les universités états-uniennes et européenne s’inscrivent dans un contexte tendu. Il Manifesto parle, dans un autre article, d’« une restriction inquiétante des espaces de discussion, dans les médias et dans les universités ».

« La démocratie s’apprend à l’école et à l’université »

Le périodique italien complète d’une longue liste de « pressions qui limitent de plus en plus la liberté académique » en Italie et cite les mots de la secrétaire générale de la Fédération nationale de la presse italienne, Alessandra Costante : « La démocratie s’apprend à l’école et à l’université. Ne pas laisser quelqu’un s’exprimer sur des positions différentes des siennes est une attitude fasciste. »

Aux États-Unis, la répression des mobilisations sur les campus fait la une des médias internationaux. Le site israélo-palestinien +972 s’intéresse au traitement des étudiantes en lutte dans les universités américaines qui « ont suspendu des groupes d’étudiants, limité le discours académique et appelé la police contre des manifestants pacifiques sur les campus d’un bout à l’autre du pays ». Le média dresse la liste des universités mobilisées, de celle de Columbia (New-York), depuis le 17 avril, à Berkeley (San Francisco) en passant par Yale (New Heaven), sous le titre « Les manifestations sur les campus en faveur de Gaza grandissent, la répression aussi ».

Les interventions des forces de l’ordre ont marqué par leur violence. À Atlanta par exemple, les manifestants de l’Université Emory ont été violemment délogés seulement quelques heures après s’être installés. « La police a utilisé des gaz lacrymogènes et des pistolets paralysants pour disperser le campement, tout en plaquant les gens au sol, et elle est accusée d’avoir utilisé des balles en caoutchouc », rapporte le média états-unien Truthout en accompagnement d’une vidéo des affrontements.

Les mobilisations prennent dans les universités européennes

« Ni la répression policière, ni les centaines d’arrestations et de harcèlements de ces dernières semaines n’ont pu arrêter le mouvement. Au contraire, il grossit chaque jour comme une boule de neige, recueillant le soutien de professeurs, d’employés d’université, de dirigeants politiques et de personnalités du monde de la culture en solidarité avec le peuple palestinien », affirme le média espagnol El Salto. La répression n’a fait que renforcer la détermination des étudiantes, appuie le journal en ligne : « La lutte du peuple palestinien est interconnectée avec le reste des luttes des peuples et groupes opprimés du monde. »

En Espagne, un premier campement d’étudiantes en soutien à la Palestine s’est installé à l’Université de Valence le 29 avril. « Il est difficile de regarder ces événements sans se souvenir d’autres moments historiques marqués par le mouvement étudiant, comme Mai 68 ou les manifestations contre la guerre du Vietnam qui ont eu lieu dans les années 1960 et 1970 aux États-Unis », renchérit El Salto.

Les étudiantes font peur, oui, mais pour les bonnes raisons : c’est leur capacité à se mobiliser, à incarner leurs luttes, à les prendre à cœur, c’est l’intensité de la jeunesse, qui inquiète ou impressionne. Certains discréditent les étudiantes en pointant du doigt leur radicalité ou leur jeune âge.

On devrait plutôt admirer la capacité de mobilisation des universités, ces lieux de réflexion et de production du savoir critique, où l’on donne le temps à la pensée politique de se développer. La force des jeunes en leur sein n’est pas à sous-estimer. Mieux vaut s’en inspirer.

Emma Bougerol

Photo de une : Campement et manifestation pour Gaza et la Palestine à l’Université George Washington le 26 avril 2024/CC BY-NC 2.0 Deed teachingforchange via Flickr