Liberté de la presse

Poursuites bâillons et secret des affaires : Patrick Drahi ne nous fera pas taire !

Liberté de la presse

par Rédaction

74 médias indépendants, dont Basta!, s’indignent de la décision de justice obtenue par le milliardaire Patrick Drahi et son groupe Altice contre Reflets-info. Au nom du secret des affaires, un tribunal décide d’une censure préalable. Du jamais vu.

Pilier de la République, la loi de 1881 sur la liberté de la presse proclame en son article 1 : « L’imprimerie et la librairie sont libres. » C’est ce principe fondamental que le tribunal de commerce de Nanterre vient de violer, saisi en référé par le groupe Altice, basé au Luxembourg et propriété du milliardaire Patrick Drahi.

Dans une décision rendue le 6 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre condamne le média indépendant d’investigation Reflets-info, spécialisé dans les enquêtes sur le numérique, les données open source et les leaks, à verser 4.500 euros au groupe de Patrick Drahi. Surtout, il lui « ordonne de ne pas publier sur le site de son journal en ligne de nouvelles informations » sur Altice (lire ici l’ordonnance de référé).

Un tribunal de commerce installe ainsi une censure a priori d’articles même pas publiés ! Dit autrement, il s’agit d’une interdiction professionnelle. C’est un effarant retour à l’Ancien Régime qui ne peut que rappeler le rétablissement de l’autorisation préalable de publication par le roi Charles X en juillet 1830. Cela provoquera la révolution des « Trois glorieuses » et sa chute…

Le groupe Altice a poursuivi Reflets-info pour une série d’articles réalisés à partir d’informations issues d’une fuite de plusieurs centaines de milliers de documents internes au groupe et mis en ligne sur le web au mois d’août. On y découvre, entre autres, le train de vie somptuaire de Patrick Drahi et de sa famille, dont l’usage immodéré de jets privés (le détail est à lire ici). Altice estime qu’il s’agit d’une violation du secret des affaires quand nos collègues précisent qu’il ne s’agit là que d’informations d’intérêt général.

C’est toute l’investigation économique qui pourrait disparaître

La décision liberticide du tribunal de commerce de Nanterre s’appuie sur la loi de 2018 protégeant le secret des affaires, alors défendue par Emmanuel Macron malgré les critiques de toutes les organisations et syndicats de journalistes. Cette loi permet de contourner la loi sur la presse de 1881, ce qu’a fait Altice en saisissant le tribunal de commerce de Nanterre.

Mais ce tribunal va plus loin encore, en jugeant que s’il n’y a pas à ce stade « de violation du secret des affaires », celle-ci pourrait survenir si les publications se poursuivaient ! Face à ce « danger imminent », mais hypothétique, la censure préalable est donc décidée et l’interdiction de publier édictée.

Dans ces outrances et incohérences -nos collègues de Reflets-Info ont annoncé faire appel-, le tribunal de commerce vient nous confirmer les dangers majeurs pour l’information que porte la loi de 2018 sur le secret des affaires. Si sa décision venait à prospérer, c’est toute l’investigation économique qui pourrait disparaître. Impossible alors d’informer le public d’affaires telles que les Panama Papers, les Lux Leaks, les Malta Files, les Football Leaks, les Uber Files qui ont révélé d’immenses scandales d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent. Impossible d’enquêter sur la dette EDF, sur les filiales offshore de Bernard Arnault et LVMH, sur l’empire africain de Vincent Bolloré.

Le procès-bâillon intenté par Altice et son propriétaire Patrick Drahi à nos collègues de Reflets-Info frappe durement un média indépendant fragile financièrement. Il ruine le principe démocratique d’une presse libre et indépendante. Au moment où le pouvoir annonce des « états généraux sur le droit à l’information », nous, médias indépendants, demandons que le gouvernement se saisisse d’urgence de cette question.

D’abord en revoyant la loi de 2018 sur le secret des affaires. Elle est une nouvelle attaque contre le journalisme, après une protection insuffisante des lanceurs d’alerte, les atteintes répétées au secret des sources et la loi séparatisme.

Ensuite, en légiférant pour que la loi de 1881 ne puisse plus être contournée et que les procédures bâillon soient sévèrement sanctionnées. Le débat sur le droit à l’information est légitime. Il ne doit être mené que dans le cadre d’une loi et d’une seule, celle de 1881. Nous redisons notre pleine solidarité à nos collègues de Reflets-info.

Liste des signataires de l’appel (au lundi 10 octobre à 13h30)

Afrique XXI
Altermidi
L’Alterpresse68
Alternatives économiques
L’âge de faire
L’Arrière-Cour
AOC
Basta!
Bien Urbains
Blast
Le Bondy blog
Chabe !
Le Chiffon
La Clé des ondes
Collectif Antidotes
Le Courrier des Balkans
Le Courrier d’Europe centrale
La Déferlante
Disclose
La Disparition
Le Drenche
En attendant Nadeau
L’Empaillé
Extra Muros
Fakir
Femmes ici et ailleurs
Flush
Grand Format
Guiti News
Les Jours
Lokko
Marsactu
Mediacités
Mediacoop
Mediapart
Unmondemeilleur.info
Mouais
Natura Sciences
Orient XXI
Pays
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Le Petit ZPL
Podcastine
Politis
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