Pro-FNSEA, pro-ubérisation ou anti-IVG : trombinoscope des ministres parmi les plus réacs

par Ivan du Roy

Petit passage en revue des nouveaux ministres du gouvernement Barnier, par la presse indépendante. Du côté de la société civile – syndicats, associations écologistes, mouvement féministe ou défenseurs des droits humains, l’inquiétude domine.

Il a finalement été annoncé le 21 septembre. Et repose sur une coalition entre les macronistes d’Ensemble, LR, le Modem et Horizons, avec l’assentiment du RN et de ses auxiliaires ciottistes. Le gouvernement Barnier a été finalisé lors d’une réunion « décisive » à Matignon quelques jours plus tôt, que raconte Mediapart. Une réunion « exclusivement masculine », avec les chefs des partis centristes et de droite, la seule femme, une déléguée du Modem, a dû patiemment attendre dans l’antichambre que ces messieurs terminent.

Dans ces conditions, est-il étonnant que la parité ne soit que de façade. Si le gouvernement Barnier compte 20 femmes sur 39 ministres et secrétaires d’État, « aucun ministère régalien n’a été confié à une femme (Intérieur, Justice, Affaires étrangères, Économie, Armées). Elles ont plutôt hérité de ministères sociaux comme l’Éducation, la Santé ou la Culture », observe Les Nouvelles News.

Parmi la société civile, c’est l’inquiétude qui prime face à un gouvernement jugé très à droite. Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau (LR) ? « C’est quelqu’un qui manifestement n’a aucune culture des libertés publiques et qui méprise les libertés démocratiques fondamentales, comme la liberté de manifester »,résume l’avocat Raphaël Kempf dans Reporterre. Sans oublier son obsession migratoire.

Agnès Canayer (ex-LR) qui sera chargée de « la » famille et de la petite enfance ? « L’utilisation du singulier pour désigner « la » famille et non plus « les » familles en dit long. Quid des familles monoparentales ou homoparentales ? », s’interroge encore Les Nouvelles News. « Nous dénonçons en particulier la présence de ministres qui se sont engagées ou ont voté contre le droit à l’IVG dans la Constitution ou contre le mariage pour toustes, une régression sans précédent », s’inquiètent d’ailleurs plusieurs organisations féministes qui qualifie le gouvernement « d’ultra-conservateur ».

FNSEA, ubérisation et islamo-gauchistes

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard (LR) ? Reporterre déplore « sa proximité avec la FNSEA ». Sur les pesticides, elle avait notamment repris le slogan « pas d’interdiction sans solution », faisant fi des cancers et pathologies que les pollutions aux pesticides favorisent.

Le ministre délégué à la Mer (et maire de Lorient) Fabrice Loher (UDI) ? « Il est clairement anti-ONG et son objectif est de satisfaire la pêche chalutière », estime Laëtitia Bisiaux, de l’association Bloom, toujours dans Reporterre.

Proximité préoccupante aussi pour la ministre du Travail, Astrid Panosyan (Ensemble), ancienne conseillère de Macron chargée de l’attractivité économique et des investissements internationaux. Elle a été impliquée, rappelle Rapports de force, dans les « Uber Files », « du nom donné à la fuite de plus de 124 000 documents, mails, sms, notes… impliquant Uber », révélant notamment comment Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie (2014-2016) « s’est improvisé partenaire privilégié de l’entreprise californienne et a permis son développement en France ». Et a ainsi favorisé « l’ubérisation » des travailleurs, à laquelle désormais l’Union européenne souhaite mettre un frein.

Quant au ministre de l’Enseignement supérieur, Patrick Hetzel (LR), il dénonçait en avril 2024 la gauche antiraciste comme étant une « dictature idéologique qui masque ses visées politiques et ses assignations sociales derrière le décolonialisme, l’indigénisme et la culture importée du wokisme ». Il avait ainsi co-signé une demande de commission d’enquête sur « l’islamo-gauchisme », pointe Mediapart.

Au vu de ces inquiétants CV, on attend impatiemment que le Nouveau front populaire forme son « contre-gouvernement » afin de mener sérieusement la bataille politique et culturelle, et ne pas se contenter de s’indigner à chacune des mesures réactionnaires qui se profileront inévitablement. « Désigner des référents-ministrables sur les sujets qui importent au pays et à la gauche permettrait de mobiliser les acteurs dans leur diversité, les syndicats, les associations d’usagers, les ONG… et d’autres encore pour avoir une connaissance affinée des enjeux, des attentes des premiers concernés et formuler des propositions crédibles car largement portées », espère également Regards.

Ivan du Roy

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Photo : Michel Barnier / CC Parlement européen