Mohammed, 59 ans, atteint de neuropathie et de diabète, vit avec l’allocation adulte handicapé (AAH) depuis 20 ans. Aujourd’hui, la Caf l’accuse d’avoir fraudé parce qu’il a passé trop de temps au Maroc, où vivent ses parents âgés de 88 et 94 ans.
En plus d’une retenue mensuelle de 140 euros sur son allocation AAH [1], la Caf a déposé plainte contre Mohammed devant le procureur de la République. Elle affirme dans un courrier que Mohammed s’est rendu coupable de « manœuvre frauduleuse » en ne déclarant pas ses « différents séjours hors de France depuis 2018 ». « Ils veulent m’attaquer en correctionnel pour fraude, mais je ne suis pas un fraudeur », se défend-il.
En 2018 et 2019, Mohammed a passé en tout huit mois au Maroc. En 2020, il part à nouveau, le 24 février, pour les obsèques du père de son épouse. Il se rend aussi auprès de ses parents. Puis arrive la crise du Covid. Le Maroc décide, comme la France, un confinement général.
« Ma mère a 88 ans, je me suis occupé d’elle »
« Nous nous sommes retrouvés coincés, comme bien d’autres personnes en visite au Maroc. J’étais bloqué à 800 km de l’aéroport. Le confinement y a été très dur. » Les vols vers la France reprennent seulement en décembre 2020. « Mais ma mère, de 88 ans, a alors eu un accident, je me suis occupé d’elle. » Mohammed est lui-même tombé malade lors de son séjour, d’une bronchopathie, qui a nécessité de longs soins. « Je suis finalement rentré le 17 mars 2021. »
À son retour, il se rend à sa caisse d’assurance maladie, pour demander un remboursement, même partiel, de ses soins de santé payés au Maroc. « J’ai moi-même fourni à la CPAM les photocopies de mon passeport attestant de mes séjours à l’étranger, ainsi qu’une lettre explicative de mes difficultés. Je n’ai en rien cherché à cacher mes séjours à l’étranger. »
Les allocataires de l’AAH comme du RSA ne sont pas censés percevoir l’allocation s’ils séjournent plus de trois mois à l’étranger sur une année. Mohammed assure qu’il ignorait cette interdiction.
« Je ne suis pas un criminel »
« Je suis allé au Maroc, en 2018 et 2020, dans le seul but de porter assistance à mes parents vieillissants. Cette période a coïncidé en plus avec le début de la pandémie mondiale et la fermeture totale des frontières pendant plusieurs mois. Je n’ai pas été informé que ma présence sur le territoire national était requise même en cas de forces majeures, parents malades isolés à l’étranger, et qu’il existait un quelconque délai. »
Mohammed accepte sans contester la retenue de 140 euros sur son allocation mensuelle. « Je peux m’adapter. J’ai demandé l’aide de la Croix-Rouge, du Secours populaire, du Secours catholique. » Mais c’est la plainte pour fraude qui ne le « laisse pas tranquille ». « Je ne suis pas un criminel, je n’ai jamais eu de problème avec la justice. J’ai par le passé travaillé dans des associations sociales pour aider les jeunes. Je n’arrive plus à dormir. En plus, je ne peux plus m’occuper de mes parents dans cette situation, je voudrais aller voir ma mère, mais je ne peux pas me rendre au Maroc avec ces problèmes. »
Recueilli par Rachel Knaebel