Alaa Salama vit à Ramallah, en Cisjordanie. La première chose qu’il voit en se levant, raconte-t-il, est le drapeau israélien qui flotte au-dessus d’une colonie israélienne voisine. « Les Israéliens juifs qui y vivent votent pour un gouvernement qui détermine où je peux vivre, travailler et voyager, la quantité d’eau dont je dispose, ainsi que les règles et les lois qui s’appliquent à moi et celles qui ne s’appliquent pas », dit le Palestinien dans les colonnes du média israélo-palestinien +972.
L’auteur de l’article réagit aux annonces récentes de reconnaissance de l’État palestinien par des chefs d’État et de gouvernement de plusieurs pays : « Si certains pays souhaitent reconnaître un État palestinien, qu’ils le fassent, mais ils ne doivent pas prétendre que cela change la réalité », écrit le journaliste de +972.
Réserves et conditions
Emmanuel Macron a annoncé une décision en ce sens au milieu de l’été. La reconnaissance officielle par la France d’un État palestinien devrait avoir lieu ce mois-ci, à l’Assemblée générale de l’ONU. Quelques jours plus tard, le Premier ministre britannique annonçait lui aussi la reconnaissance de l’État de Palestine par son pays. Ont suivi l’Australie, le Canada, Malte, le Portugal et la Belgique. La majorité des pays, 148 des 193 membres de l’ONU, avaient déjà reconnu l’existence de l’État palestinien.
Selon Mada Masr, média indépendant égyptien, cette décision de pays occidentaux « est bien trop modeste et arrive bien trop tard pour changer la réalité sur le terrain à Gaza ». De plus, elle est réversible. Keir Starmer, le Premier ministre britannique, a annoncé qu’il renoncerait à cette reconnaissance si Israël faisait certaines concessions. « Une condition est qu’Israël ait pris des mesures durables en vue d’un cessez-le-feu d’ici septembre », note le site.
Ces annonces « sont truffées de mises en garde, de réserves et de conditions », dénonce Muhammad Shehada, un écrivain et analyste gazaoui, interrogé par Democracy Now !. « Mais même dans ces conditions, les Israéliens affirment que cela cause beaucoup de tort au gouvernement israélien », ajoute le chercheur aujourd’hui basé à Copenhague.
Des « gestes symboliques inutiles »
« Il n’y aura bientôt plus de Palestine à reconnaître », alerte la revue états-unienne Jacobin dans un article du 8 août. Le magazine commence par admettre que cette reconnaissance tant attendue, essentielle à toute solution à deux États, « devrait être une bonne nouvelle ». « Pourquoi, alors, ces annonces semblent-elles si vides de sens ? », se demande le périodique.
Alors qu’Israël organise la famine, le blocage de l’aide humanitaire, la destruction d’infrastructures essentielles et de l’environnement, les frappes durant les quelques distributions d’aide, les plans pour annexer l’enclave et les bombardements tuant en grande majorité des civils… « Franchement, il semble plus qu’absurde que, face à tout cela, la solution proposée par les plus puissants de ce monde consiste à brandir une menace, pour l’essentiel symbolique, qui ne se concrétisera que dans un mois », commente Jacobin.
Pour le Palestinien Alaa Salama, « aujourd’hui, les gestes symboliques sont pires qu’inutiles, car ils font gagner du temps au régime responsable des crimes à Gaza », écrit-il dans + 972.
