Effets d’annonce

Une grenade aussi dangereuse va remplacer celle retirée par le ministère de l’Intérieur

Effets d’annonce

par Sophie Chapelle

« Un faux geste sans changement de stratégie », dénonce la Ligue des droits de l’Homme (LDH). Les raisons de ce scepticisme ? Christophe Castaner a annoncé, le 26 janvier, le retrait immédiat de la GLI-F4, une grenade explosive composée notamment de 26 grammes de TNT. Cette charge explosive a valu à un zadiste et, d’après le décompte du journaliste David Dufresne, à cinq gilets jaunes, de perdre leurs mains, arrachées par l’explosion. La France est le seul pays d’Europe à l’utiliser, selon un rapport commun de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) publié en 2014.

« Elles n’ont pas une couleur, elles n’ont pas un signalement spécifique et il est arrivé, il y a plusieurs mois, que des policiers soient obligés de les utiliser pour se désengager d’une menace et que des manifestants les prenant volontairement en main se blessent gravement. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il nous faut retirer les GLI-F4 », a déclaré le ministre de l’intérieur.

Le neurochirurgien Laurent Thines, chef de service au CHRU de Besançon, dénonce une intox du ministère de l’Intérieur. Le remplacement de la GLI-F4 par une autre grenade, la GM2L, avait déjà été prévu par les autorités françaises. « La grenade GLIF4 est en fait réformée car plus produite depuis des années et bientôt en rupture de stock », souligne Laurent Thinès qui alerte depuis des mois sur la dangerosité de ces armes après avoir constaté leurs effets sur ses patients. La GLIF4, dont l’épuisement des stock était prévu fin 2021, est ainsi « remplacée par une grenade GM2L avec 48g d’un "explosif" 1,6 fois plus puissant que la TNT » dénonce le neurochirurgien sur twitter. Selon lui cette grenade est « aussi dangereuse voire plus que le GLIF4 » [1].

« Cette décision est salutaire mais bien tardive et son remplacement par le modèle GM2L n’est pas sans risque, sans changement radical de stratégie du maintien de l’ordre », estime la LDH. En juin dernier, le ministère de l’Intérieur a entériné de nouvelles commandes massives : 10 000 grenades de désencerclement par an, qui s’ajoutent aux centaines de lanceurs de balles de défense (LBD) achetés fin 2018. Plus étonnant, la place Beauvau a acheté 25 millions de cartouches de fusils d’assaut pour les quatre prochaines années. L’occasion de relire notre précédente enquête sur ces étranges appels d’offres : « Allô, place Beauvau ? C’est pour une commande ». Les collectifs de victimes et des avocats continuent de demander l’abandon sans délai des lanceurs de balle de défense (LBD40), ainsi que de certaines techniques d’immobilisation, comme le plaquage ventral, qui ont conduit à plusieurs dizaines de décès de personnes interpellés depuis quatre décennies.

Photo : Laurent Thinès avec les street medics de Montpellier / © Laurent Thinès

Notes

[1Lire également sur le sujet l’analyse de la GM2L réalisée sur le site maintiendelordre.fr animé par Maxime Reynié.