« Fermeture des urgences pédiatriques ce jour en raison de l’absence totale d’infirmières. Jusqu’à nouvel ordre ». La feuille A4 collée sur une vitre annonce que depuis le lundi 3 janvier, les urgences pédiatriques de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), sont fermées, faute de personnel [1]. Déjà cet été, les fermetures totales ou partielles de services des urgences, quelques jours, la nuit, ou pendant plusieurs semaines, s’étaient multipliées (nous en parlions sur basta!). Déjà, les directions des hôpitaux les justifiaient par la difficulté à trouver du personnel, médecins urgentistes et personnel infirmier, pour assurer les soins. Cet hiver, les fermetures sont à nouveaux nombreuses. Nous les avons consignées (ci-dessous en bleu) sur notre carte de suivi des suppressions de lits d’hôpitaux, un travail que basta! a entamé à l’automne 2020.
Cliquer sur une étiquette pour lire les détails. En mauve, les services hospitaliers et d’urgences fermés au printemps 2022 au moins plusieurs jours. En bleu, les services fermés pendant l’hiver 2021-2022. En jaune, les services et lits fermés pendant l’été 2021. En rouge, les suppressions de lits de long terme en cours. En vert, là où ces suppressions ont commencé à être remises en cause.
À Avranches (Manche, 8000 habitants), le service des urgences a fermé ses portes les 1er et 2 janvier. Le groupe hospitalier avait dû réduire le fonctionnement des urgences début décembre. À Draguignan (Var, 40 000 habitants), le service des urgences de l’hôpital est fermé la nuit depuis le 29 octobre, faute de médecins. Les urgences sont aussi fermées la nuit à Givors (Rhône, 20 000 habitants) depuis le 25 octobre. Elle devaient à l’origine rouvrir le 30 novembre, mais la fermeture a été reconduite, en décembre puis en janvier [2].
Le malaise général des professionnels de santé
À Saint-Chamond (Loire, 35 000 habitants), les urgences de l’hôpital du Gier ferment la nuit durant tout ce mois de janvier. Au Bailleul, dans la Communauté de communes de Sablé-sur-Sarthe (30 000 habitants), les urgences ont fermé la nuit entre le 4 et le 10 janvier. Des fermetures nocturnes avaient déjà eu lieu à de nombreuses reprises en 2021 [3]. Les urgences de l’hôpital de Moissac (Tarn-et-Garonne, 13 000 habitants) ont portes closes la nuit depuis le 1er décembre 2021, et jusqu’au 31 janvier 2022 selon La Dépêche. À Laval (Mayenne, 70 000 habitants), les urgences de l’hôpital ont fermé la nuit du 25 au 29 décembre 2021 et du 1er au 4 janvier 2022.
À Douai (Nord, 40 000 habitants), ce sont les urgences pédiatriques qui ferment la nuit depuis septembre. À Saint-Girons (Ariège), les urgences de la communauté de commune ont complètement fermé, jour et nuit, du 17 au 21 novembre dernier, en raison d’un grand nombre d’arrêts maladie, selon France 3. « C’est un fait exceptionnel et, à notre connaissance, un précédent sur notre territoire de 30 000 habitants, a réagi le président du comité de défense de l’hôpital de Saint-Girons, Frédéric Bostyn. À l’heure où plus personne ne nie l’arrivée d’une cinquième vague de Covid et où le département de l’Ariège est en tête des taux de contaminations, l’hôpital public réduit ses moyens ! Ceci couplé avec le départ annoncé de plusieurs médecins généralistes dans notre bassin de vie, sans que leur remplacement ne soit prévu. Cette situation était malheureusement prévisible. Il serait temps, enfin, de tenir compte de l’avis et du malaise exprimés par les professionnels de santé », poursuivait-il.
À Senlis (Oise, 15 000 habitants), l’Agence régionale de santé a pris la décision de fermer complètement les urgences de l’hôpital à compter du lundi 13 décembre 2021, pour une durée indéterminée. Déjà durant l’été 2021, les urgences de Senlis avaient été totalement fermées durant les mois d’août et septembre, pour les mêmes raisons. C’était alors une première pour ce service. Les patients sont maintenant redirigés vers l’hôpital de Creil, à une quinzaine de kilomètres [4].
Ces fermetures hivernales ne concernent pas que les urgences. À Fontenay-le-Comte (Vendée, 16 500 habitants), le centre hospitalier a dû fermer douze lits au mois de décembre [5]. À Vichy (Allier, 65 000 habitants dans l’agglomération), c’est le service d’hospitalisation de jour de pédopsychiatrie qui a été fermé du 6 décembre au 3 janvier, soit pendant plus de trois semaines, obligeant les parents à emmener leurs enfants à Moulins ou Clermont-Ferrand, soit deux heures de route aller-retour. Et alors même que les consultations d’enfants et d’adolescents pour troubles anxieux et dépression augmentaient dans le département, selon La Montagne. « Pourtant, trois praticiens ont été recrutés il y a un an, deux à temps plein et un à mi-temps, des embauches qui n’ont pas suffi à maintenir l’activité », peut-on lire sur le site de France3.
À Créteil (Val-de-Marne), le 15 décembre 2021, l’hôpital Albert-Chenevier a fermé l’une de ses quatre unités de psychiatrie, faute d’internes en nombre suffisant. Déjà en 2019, cet hôpital avait subi la fermeture des vingt lits d’une autre unité de psychiatrie, transférée vers une clinique psychiatrique privée appartenant au groupe Orpea-Clinea
À Sarlat (Dordogne, 9000 habitants), du 3 décembre 2021 au 1er janvier 2022, tous les accouchements prévus à la maternité ont été déprogrammés à cause d’une pénurie de personnels, notamment de sages-femmes. Les femmes enceintes qui devaient accoucher en décembre ont donc été réorientées sur les maternités de Brive, Périgueux ou Bergerac, de 50 à plus de 100 km de là [6]. Macron a dit vouloir « emmerder » les non-vaccinés, mais que prévoit-il pour aider ces services hospitaliers qui ne sont plus en état de soigner ?
Rachel Knaebel
Photos : Lors de la manifestation nationale des hôpitaux le 4 décembre 2021. ©Serge D’ignaozio
– Une journée d’action pour l’hôpital public est prévue le 11 janvier, pour « l’augmentation du budget consacré à l’hôpital », « la revalorisation générale des carrières médicales et non médicales » de l’hôpital, le recrutement immédiat de centaines de milliers de personnels supplémentaires, « l’arrêt des fermetures de services, d’établissements et des réouvertures de lits, de structures, partout où cela est nécessaire », une « gouvernance des hôpitaux ouverte aux personnels et aux usagères et usagers », et « l’égalité d’accès, d’accueil et de prise en charge de qualité pour la population sur tout le territoire ».