Monsieur Le Ministre de l’Intérieur,
Vous semblez avoir découvert ces derniers jours qu’une frange de policiers se laissait aller à l’expression de l’idéologie raciste. La CGT-Police vous félicite de cette prompte découverte et vous encourage à mettre en œuvre les procédures nécessaires afin de débarrasser l’institution de cette plaie.
En parallèle, des mouvements associatifs et politiques ont appelé à de nombreux rassemblements destinés à demander plus de discernement, de respect et d’impartialité dans l’usage de la force publique. Nous vous exhortons cette fois à les entendre, car le malaise est profond.
Après les épisodes de répression violente qui ont émaillé l’encadrement des mouvements sociaux que le pays a connu depuis la superposition par les gouvernements successifs de lois ultra-libérales insupportables, il devenait évident qu’une réaction se produirait, nous y sommes. Elle s’est manifestée au lendemain de l’assassinat de George Floyd décédé de la brutalité d’un policier que son administration a tenté de disculper avant de reconnaître son implication.
Cette tentative de banalisation a déclenché une série d’affrontements violents. A son tour, le gouvernement français a compris (bien tardivement) que le manque de confiance qui s’est instillé dans le pays entre les représentants de la force publique et la partie la plus fragile de la population était de nature à se répandre et pouvait se révéler dangereux.
Dans le même temps, les policiers souffrent de cette stigmatisation. Après les avoir instrumentalisés au cours de la répression des nombreuses manifestations (gilets jaunes, hospitaliers, retraites etc...), vous avez mis en scène une violence de la rue que vous n’avez pas souhaité contenir. Vous avez fait le choix de montrer l’image d’une police agressive pour vous assurer qu’elle ne s’associe pas aux revendications souvent justes des protestataires.
Vous avez en partie réussi, l’image de la police est effectivement écornée. Mais vous avez surtout échoué, le clivage sera mis au compte du gouvernement. Le pays s’en souviendra, les policiers également. La superposition du mépris que vous leur consentez, associée aux errements complices des lobbys catégoriels se traduit par une perte de confiance sans précédent envers les représentants du Gouvernement.
L’absence de dialogue social, la chape de plomb sur les conditions de travail, le management inacceptable, l’opacité généralisée dans les méthodes de gestion des ressources humaines ( notations, avancements, mutations, primes, horaires etc...) ont eu raison de la résilience de vos fonctionnaires. Car cette fois encore, votre réponse, se traduit par une démonstration supplémentaire de votre manque de connaissance de nos métiers.
Votre annonce précipitée concernant la diffusion du pistolet à impulsion électrique en est l’exemple. Si l’immobilisation par la technique de l’étranglement d’un interpellé rebelle doit être sévèrement réglementée, elle ne peut être substituée par l’usage du pistolet à impulsion électrique (Taser). Cette arme n’a pas vocation à être utilisée pour finaliser les interpellations. Elle n’est pas fiable. Dangereuse en fonction de l’état pathologique de l’individu ciblé, elle est inadaptée à de nombreuses missions. Ce matériel ne correspond pas à l’usage que vous évoquez et constituera un pas supplémentaire dans la distanciation sociale.
Monsieur le Ministre vous auriez dû consulter les policiers. Ils vous auraient indiqué qu’ils n’ont besoin que d’un renfort suffisant de personnel pour que le rapport de force soit en leur faveur au cours des interventions de police ! Surtout pas d’un gadget supplémentaire ! Nous voulons une police sereine, disponible, à l’écoute des victimes, débarrassée de l’ingérence politicienne, de la politique du chiffre qui pousse bien trop souvent le policier à laisser faire le délinquant jusqu’à la commission du délit afin de s’assurer de l’interpellation en flagrance qui garantira à son auteur la reconnaissance du « bon point ».
En conclusion, nous vous demandons Monsieur le Ministre de mettre fin à l’instrumentalisation de notre profession. Nous n’avons pas vocation à nous positionner en guise d’argument politique, en réponse lapidaire à l’expression de crises que nous n’avons pas voulue. L’immense majorité des policiers n’est pas raciste, mais elle est effondrée par la misère sociale dans laquelle elle est maintenue.
Lettre ouverte au ministre de l’intérieur qui voulait faire passer le courant entre la police et les citoyens, à retrouver sur le site de la CGT police.