Témoignage

Christine, 64 ans, huit enfants, au RSA : « On est dans un système où on pressurise les gens sans arrêt »

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par Rédaction

Mère de famille nombreuse, Christine n’a pas droit à la retraite. Elle vit du RSA et se débat avec la Caf qui lui a à nouveau suspendu son allocation début janvier, sans la prévenir et sans lui donner aucune information. Témoignage.

Christine a 64 ans. Elle n’a pas droit à la retraite, et pas encore au minimum vieillesse, et dépend du RSA pour vivre. Elle est mère de huit enfants. « J’étais vendeuse à l’époque de mon premier enfant, mais j’ai arrêté ma vie professionnelle à la naissance parce que mon mari avait un revenu suffisant à l’époque. Quand je me suis séparée en 2010, à la suite de violences de sa part, je suis partie avec mes quatre derniers du domicile conjugal. L’assistante sociale m’a alors dit "il va falloir vous inscrire à Pôle emploi". C’était la première fois que j’entendais parler du RSA. Je conviens que c’est assez exceptionnel d’avoir huit enfants, mais il y a encore des femmes de mon âge qui ont eu des familles nombreuses. »

Depuis sa séparation, Christine doit faire, comme tous les allocataires du RSA, une déclaration trimestrielle de sa situation et de ses revenus. Sa fille la plus jeune a quitté le domicile familial en novembre dernier, « pour essayer de s’en sortir toute seule ». Son dernier fils vit encore avec elle. « Il était intérimaire, mais la boîte pour laquelle il travaillait ne l’a pas repris après le Covid. Il touchait du chômage, je faisais les déclarations trimestrielles, je n’ai eu aucun problème. »

Puis le jeune homme est entré en formation professionnelle en septembre 2022, avec des périodes de stage rémunérées quelques centaines d’euros. Début décembre, Christine réalise comme elle le doit la télédéclaration trimestrielle, joint le document de l’organisme de formation certifiant les dates de début et fin de formation et les montants exacts des rémunérations. « On m’a demandé de refournir les dates auxquelles il avait touché ses revenus, je leur ai envoyé tout cela. »

« Je n’ai aucune indication sur mon dossier »

Mais le 5 janvier, Christine reçoit un mail d’un de ses créanciers lui disant que le prélèvement dû n’était pas passé, faute d’argent sur son compte. « Je suis allée voir auprès de ma banque et j’ai vu que le RSA n’avait pas été versé. Je suis allée sur mon compte Caf en ligne, et là j’ai vu qu’on y avait déposé le même jour un courrier. Le document me disait qu’il y avait eu une décision de suspendre mon RSA, mais on ne me disait pas pourquoi. Et la lettre aurait dû me parvenir en décembre. »

Ce n’est pas la première fois que Christine voit son RSA suspendu. Les fois précédentes, c’était pour des « contrôles de situation ». « La dernière fois, la suspension de RSA a duré un mois et demi. » Puis le versement de l’allocation avait repris. « Avant, on avait encore un minimum d’information, on avait un message d’un conseiller. Là, plus rien. Je n’ai aucune information. Ça fait trois semaines que je me débats pour essayer de trouver ce que j’ai pu commettre, parce que je n’ai aucune indication sur mon dossier, déplore Christine. J’ai fait une réclamation. Et j’ai été à la permanence du député de ma circonscription qui a dit qu’il essaierait de regarder. »

Quand nous lui parlons mi-janvier, Christine est « dans la galère ». « Je n’ai pas payé mon loyer ni mes factures de téléphone. J’ai réussi à tout faire repousser, mais cela fait 15 jours que cela dure et que je n’ai rien. Je peux me retrouver à la rue. Heureusement que mes enfants sont tous élevés. Il y a des personnes seules, surtout des femmes, avec des petits enfants qui sont dans les mêmes difficultés. »

Engagée auprès de la CGT, Christine rencontre quand elle tracte des femmes dans des situations similaires à la sienne. « Des personnes de mon âge qui ont elles aussi des familles nombreuses et n’ont presque rien aujourd’hui. Ma mère a eu six enfants et nous a élevés au foyer. Quand mon père est décédé, personne ne lui a dit qu’il fallait s’inscrire à Pôle emploi. On est aujourd’hui dans un système où on pressurise les gens sans arrêt. »

Heureusement, la Caf a finalement attesté réception des informations envoyées concernant les dates précises de rémunération de son fils en formation, et versé le RSA recalculé de Christine le 17 janvier.

Recueilli par Rachel Knaebel

Photo : ©Nicolas Lee/Encrage.