Transports

Très polluants mais de plus en plus nombreux : comment réguler les SUV ?

Transports

par Marie Chéron

Les SUV, des grosses voitures polluantes, sont toujours plus nombreuses. Comment inverser la tendance ? Réponses avec Marie Chéron, responsable des politiques de véhicules à l’ONG Transports et environnement.

Les normes européennes sur les émissions de CO2 encouragent, de manière indirecte, les constructeurs à proposer de gros véhicules sur le marché. Car plus les véhicules sont lourds, plus grande est la souplesse dont ils pourront bénéficier en matière de normes CO2. On attendait que cette réglementation s’infléchisse au moment du vote au Parlement européen en juin 2022, mais cela n’a pas été le cas. Ce deal, obtenu par l’Allemagne au moment de la conférence sur le climat de Copenhague en 2009, a aujourd’hui un impact sur la montée en gamme et la SUVisation du parc de véhicules.

 Marie Chéron
Marie Chéron
Responsable des politiques véhicules à l’ONG Transports et environnement

Le fait qu’il n’y ait pas eu de remise en cause à l’échelon européen nous donne d’autant plus d’arguments pour dire que c’est au niveau des États qu’il faut agir. En France, nous avons fait introduire avec d’autres ONG un malus au poids pour favoriser les petits véhicules, mais il ne touche que 8 % des immatriculations, car il s’applique aux véhicules de plus de 1800 kg seulement. Nous souhaitons que le seuil de l’introduction du malus soit rabaissé. Aujourd’hui, les véhicules font en moyenne 1300 kg. Il faut donc que tous ceux au-dessus de cette moyenne paient progressivement une taxe. C’est un moyen de réguler.

Plus chers, plus consommateurs

Il y aurait une autre forme de régulation possible, plus douce : que le gouvernement pousse la filière automobile à se repositionner sur des véhicules plus légers, réellement plus sobres et moins chers. C’est un des enjeux de cette année. Si les constructeurs produisent des SUV, c’est pour une meilleure rentabilité. Ils ne regardent pas l’impact environnemental, mais les ventes envisagées et les profits attendus.

Aujourd’hui, les véhicules plus hauts et plus imposants que sont les SUV se vendent plus cher. Les constructeurs affirment que c’est ce que les gens désirent en se basant sur des études marketing. Mais de fait, si on demande aux gens “Voulez-vous un véhicule spacieux et plus confortable ou petit et moins confortable ?”, on imagine bien ce qu’ils vont répondre.

Pour les constructeurs, il s’agit purement de questions de profit. Mais les SUV consomment beaucoup plus, donc ce n’est pas intéressant pour l’usager. Sur ce point, on commence à avoir des retours des entreprises, à qui il revient de régler les notes de carburant et qui nous disent que ce n’est pas la bonne option. Même si les véhicules hybrides s’améliorent en matière de consommation, la tendance des constructeurs a été de favoriser l’hybridation sur les gros véhicules, et ça ne fonctionne pas.

On aimerait que le vent tourne. Une opportunité se profile dans l’agenda politique français, car une feuille de route de décarbonation de la filière automobile, inscrite dans la loi climat, est en cours de définition. Nous pensons que la filière automobile a un intérêt à reprendre la production de petits véhicules sur le sol français. D’autant que c’est une filière qui a bénéficié d’un grand volume d’aides publiques.

Dans le premier plan de relance, l’automobile était une des filières les plus aidées. Les constructeurs automobiles bénéficient de réductions sur les impôts de production par exemple. Il est donc légitime que la filière assume, enfin, une responsabilité sociale et environnementale.

Marie Chéron, responsable des politiques véhicules à l’ONG Transports et environnement.