Low cost

Un job « quand tu veux, flexible et bien payé » : derrière une illusion de liberté, la précarité ubérisée

Low cost

par Emma Bougerol

Elles s’appellent StaffMe, Manners ou Student Pop et mettent en relation étudiants et jeunes travailleurs avec des employeurs. Un peu comme de l’intérim, sauf que les travailleurs sont sous statut d’indépendants, sans protections sociales.

Rappelez-vous le premier confinement, les achats en masse de pâtes et de papier toilette. Le jeune à la caisse n’était en fait peut-être pas un employé du magasin, mais un travailleur encore plus précarisé, payé à la « mission ». Votre caissier était peut-être sans protection sociale, sans cotisations pour sa retraite ou son chômage et même sans durée limitée de travail. S’il attrapait le Covid, il n’avait pas doit à un congé maladie. C’était le cas dans plusieurs enseignes, comme Franprix ou Monoprix, comme l’a révélé StreetPress en avril 2020, ou encore à Casino et à Leclerc selon une enquête de Marianne.

Travailleur de supermarché, de stations de test Covid, d’entreprises de démarchage téléphonique… Au bout du fil, de l’écouvillon ou du transpalette, ces travailleurs indépendants ont été recrutés par l’intermédiaire de plateformes du travail uberisé, des agences d’intérim pour « auto-entrepreneurs » et « indépendants » où la prestation sans quasiment de cotisations – et donc une protection sociale affaiblie – remplace le salaire. StaffMe, Manners ou encore Student Pop sont toutes nées en 2016. Ces plateformes de « mise en relation » se chargent de trouver des travailleurs indépendants pour des missions à durée variable, d’une journée à plusieurs mois. Elles empochent au passage une commission d’environ 20 % du paiement.

La pratique est à la limite de la légalité. Le premier procès contre l’une de ses plateformes aura lieu en fin d’année, et l’inspection du travail essaye de s’attaquer à ce problème. Car derrière la « flexibilité » promise se cache souvent une précarité accrue.

Un profil en deux clics

Pour trouver une mission, il suffit d’ouvrir son téléphone. En deux temps trois mouvements, on peut créer un profil, fournir quelques informations sur son parcours et ses compétences, avant d’être rappelé pour un court entretien ou une vidéo de présentation. Une fois le profil validé, nous voilà prêt à postuler à des offres.

Capture d’écran de l’application StaffMe
Les jeunes se voient proposer plusieurs missions de ce type par semaine. Il suffit d’accepter ou de refuser en un clic.
DR

Selon les préférences et les compétences, les indépendants reçoivent des propositions pour des postes de vendeur, de manutentionnaire, de prospecteur commercial, ou même d’aide-soignant. C’est un peu comme pour les intérimaires, mais sans le statut de salarié. À la manière d’une application de dating, on peut rapidement accepter ou refuser l’offre d’un simple geste sur l’écran.

Le scandale des caissiers indépendants a éclaté pendant le confinement du printemps 2020. Depuis les révélations de StreetPress, Franprix a fait amende honorable et promis de ne plus avoir recours à des indépendants dans ses magasins. Contacté, Monoprix affirme n’avoir qu’« eu recours de manière très exceptionnelle à la solution StaffMe » durant le premier confinement, et n’y avoir désormais « recours que pour des besoins extrêmement ponctuels ne relevant principalement pas de notre cœur de métier, notamment des opérations de street marketing, se déroulant en dehors de nos magasins » (voir la réponse entière en boîte noire). D’autres entreprises continuent en revanche de l’utiliser.

Faux auto-entrepreneurs, vrais précaires

Les micro-entrepreneurs représentent aujourd’hui plus d’un million de personnes en France. Le statut est répandu chez les étudiantes et étudiants : 8 % des étudiants en emploi possède ce statut. Les jeunes sont un vivier de travailleurs à bas coût bien repéré par les plateformes.

Student Pop ne s’adresse par exemple qu’aux étudiants, StaffMe est réservé aux 18-30 ans.Cette limitation pourrait être considérée comme de la discrimination à l’embauche si les jeunes étaient recrutés au statut de salarié. La Défenseure des droits a été saisie de cette question et une plainte pour discrimination déposée à ce sujet. Les deux procédures sont en cours.

StaffMe justifie ce choix par une volonté de cibler un public en études : « Nous avons, dès le lancement de l’application, limité son accès aux jeunes de moins de 30 ans pour garantir qu’elle s’adresse en priorité aux étudiants. Il nous semblait que cette population avait le plus besoin d’un coup de main pour s’insérer dans le monde du travail. »

Sur son compte Instagram, le cofondateur de la plateforme StaffMe, Jean-Baptiste Achard, met en avant ses rencontres avec des ministres, ici Bruno Lemaire, Marlène Schiappa et Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d'État chargé du numérique.
Partenaire du gouvernement ?
Sur son compte Instagram, le cofondateur de la plateforme StaffMe, Jean-Baptiste Achard, met en avant ses rencontres avec des ministres, ici Bruno Lemaire, Marlène Schiappa et Mounir Mahjoubi, ancien secrétaire d’État chargé du numérique.
Capture d’écran Instagram

Du côté des entreprises, l’idée d’embaucher des indépendants continue d’attirer. Ils coûtent bien moins cher, n’ont pas les protections d’un salarié ni ses limites horaires. Pas besoin de contrat, et la plateforme s’occupe des factures. « Dans le cas des plateformes algorithmisées, la promesse consiste à proposer une main-d’œuvre flexible présélectionnée et à prendre en charge toutes les contraintes administratives afférentes à l’embauche d’un travailleur, sans toutefois le salarier », note une étude publiée en septembre 2021 sur les modes de travail des étudiants [1].

Ces entreprises sont nombreuses à être mises en avant par les plateformes comme un gage de confiance. Student Pop arbore sur son site le logo de grandes marques comme Jennyfer, Clarins, Orangina, Lagardère ou Dyson. « Manners accompagne des entreprises telles que Alan, Shine, Tacotax, Fraiche Family, Franprix, Fred & Farid ou Morning Coworking », vante de son côté le cofondateur de Manners sur son profil LinkedIn. Sans donner de noms, StaffMe revendique près de 10 000 entreprises clientes pour 500 000 inscrits.

Surveillant d’école, manutentionnaire, employé de bureau

Les indépendants « staffeurs » – nom donné aux utilisateurs de StaffMe – interrogés racontent s’être tournés vers une plateforme pour deux raisons : la flexibilité des horaires et la rémunération supérieure au Smic. Ces points sont mis en avant par les plateformes. L’une promet « les jobs que tu veux, quand tu veux (…) flexibles et bien payés, partout en France selon tes disponibilités », quand une autre propose de « finance[r] tes études avec des missions adaptées à ton emploi du temps ».

Cette rhétorique séduit certains jeunes. Élie* s’est inscrit sur StaffMe début 2022, « après en avoir entendu parler sur TikTok ». Il n’est plus étudiant. « Je fais ça à mi-temps ou à plein temps en fonction de mes envies. J’ai commencé avec des missions très diversifiées, de surveillant d’école à manutentionnaire en passant par employé de bureau, raconte le jeune homme. Tous les travaux que j’ai effectués étaient des travaux de salarié », ajoute-t-il, réaliste. Malgré tout, il trouve cette activité « très pratique si on a besoin d’argent rapidement » et pour « remplir son CV ». Il précise avoir refusé des CDI au profit de missions en indépendant : « Je perdrais en liberté et en rapidité de paiement. »

Ouriel Darmon est cofondateur de l’une de ces plateformes, Student Pop. Il définit son entreprise comme « une boîte de prestations de service ». Il a fait le choix du statut de micro-entrepreneur pour les étudiants qu’il sélectionne. « Les étudiants ont envie d’avoir des petites missions en parallèle de leurs études, que ce soit flexible. Ce côté très flexible, le statut micro-entrepreneur le permet et les autres types de contrats le permettaient moins. Ça permettait aussi de simplifier le paiement, de payer à cinq jours après la mission », justifie-t-il. Il défend un modèle où les jeunes n’ont pas à « choisir entre garder son boulot ou réussir ses études » et où ils « sont mieux payés que le Smic ». Sa plateforme propose un prix minimum de 12 euros par heure pour un étudiant.

« Ce n’est pas un hasard si ces plateformes sont destinées à des jeunes »

Le cocktail semble séduisant : la liberté de travailler quand on le souhaite, un paiement rapide, une rémunération horaire qui semble au premier abord supérieure au salaire minimum. « Les personnes qui se disent satisfaites par les plateformes sont celles qui font cette activité en complément d’une autre, ou qui le font depuis peu de temps. Faire cela sur une longue durée reste compliqué. Ce sont des formes de travail vouées à rester transitoires », explique le sociologue Alexis Louvion, à partir d’entretiens de recherche.

« La majorité des travailleurs des plateformes optent pour la création d’une micro-entreprise. Les cotisations versées à ce titre garantissent certes certaines protections (maladie, retraite), mais de manière moins protectrice que pour les salariés, souligne le chercheur. Il faut également rappeler que le statut d’indépendant ne donne pas droit à l’assurance chômage. Et ne permet pas d’être protégé par le droit du travail, qui institue, entre autres choses, un temps de travail encadré et la possibilité d’action collective par l’intermédiaire des syndicats. »

Finalement, les 12 ou 14 euros horaires gagnés par un « Staffeur » (StaffMe) ou un « Student » (Student Pop) coûtent cher à leur avenir. Une fois sans activité, ou arrêté pour cause de maladie, leur indemnisation sera bien moindre que s’ils étaient salariés, voire nulle. Les plateformes ont tout de même souscrit à des assurances proche de celles des livreurs indépendants, vendues par AXA. Mais cette protection reste bien en-dessous de celle des salariés. .

« Ce n’est pas un hasard si ces plateformes sont destinées à des jeunes, et souvent précaires », pointe l’avocat Kévin Mention, spécialisé sur les abus de l’ubérisation. Les jeunes se préoccupent moins de leur cotisations retraites et de leur droit à des congés maladies. En plus, « les jeunes sont ceux qui n’attaquent quasi jamais au Prud’hommes – en règle générale, ceux qui attaquent sont soit des cadres soit des travailleurs proches de la retraite », ajoute l’avocat. StaffMe, leader de ces plateformes de travail ubérisé, a même interpellé le gouvernement en 2020 pour demander un accès simplifié au statut d’auto-entrepreneur pour les jeunes dès 16 ans.

Proches des agences d’intérim dans leur fonctionnement, les plateformes sont souvent aux limites de ce qui est permis par la loi. « L’intérim est extrêmement encadré justement parce que c’est compliqué, explique Barbara Gomes, juriste et élue communiste à la mairie de Paris. Originellement, il était interdit par la loi de prêter des travailleurs. Puis, pour ne pas garder une interdiction totale pour des entreprises qui auraient ponctuellement besoin de main d’œuvre, on a autorisé les agences d’intérim. Elles sont les seules qui ont ce droit. Sinon, c’est considéré comme un délit de marchandage ou de prêt illicite de main d’œuvre. »

Pour l’instant, aucun procès n’a eu lieu contre ces plateformes pour de tels délits. Elles ne se présentent pas comme des équivalents d’agences d’intérim, mais comme de simples intermédiaires. « Le recours à l’auto-entreprenariat permet de mettre un flou sur la réalité de l’activité », analyse Barbara Gomes.

« On a bien vu que notre modèle n’était pas pérenne »

Les utilisateurs des plateformes ne peuvent néanmoins pas être considérés comme de véritables indépendants. Ils n’ont pas la capacité de négocier les conditions des missions réalisées. Par un simple clic sur leur téléphone, ils acceptent sans négociation possible les tarifs imposés par la plateforme et l’entreprise, tout comme les horaires de début et de fin de mission.

Pouvoir fixer ses prix et ses horaires, c’est pourtant un critère indispensable de l’indépendance. « Les plateformes ont un algorithme, une notation des utilisateurs, un recrutement, elles analysent les CV, elles peuvent sanctionner les personnes, elles contrôlent les retards … On est clairement sur une relation d’employeur », s’indigne l’avocat Kévin Mention.

Certaines plateformes ont conscience de la précarité de leur situation juridique. Side, par exemple, est aujourd’hui une véritable agence d’intérim, même si elle est entièrement numérique. L’entreprise a débuté comme plateforme de mise ne relation d’entreprises et de travailleurs indépendants. En 2019, trois ans après sa création, Side a décidé de changer de modèle. « On a eu beau le retourner dans tous les sens, on a bien vu que notre modèle n’était pas pérenne », explique Thibaud, le responsable marketing. Les entreprises utilisatrices de la plateforme avaient selon lui une « épée de Damoclès » au-dessus de la tête.

Il existe pour les entreprises un risque de requalification de la prestation en contrat de travail si l’indépendant ne l’est pas vraiment. En d’autres termes, quand l’entreprise traite l’indépendant comme un salarié, il y a une relation de subordination. Si celle-ci est prouvée devant la justice, l’entreprise devra payer d’éventuelles heures supplémentaires, des indemnités de licenciement, les cotisations sociales, des dommages et intérêts... Le risque financier est considérable.

« Plus notre plateforme grossissait, plus les grosses entreprises nous faisaient part de ces inquiétudes, ajoute l’employé de Side. C’était inévitable, le modèle juridique est central dans ce milieu. Il s’agissait de respecter le droit du travail, tout simplement. On est rentrés dans les clous. »

Un soutien gouvernemental et institutionnel

Ces plateformes de prêt de main-d’œuvre ont pourtant la sympathie du gouvernement. Sarah El Haïry, secrétaire d’État chargée de la Jeunesse, s’est rendue en 2020 à Marseille aux côtés de StaffMe pour vanter les vertus de l’entrepreneuriat des jeunes. Une apparition publique que la plateforme s’est empressée de mettre en avant dans une vidéo promotionnelle.

« Ce n’est pas du complotisme de dire que ces plateformes sont soutenues par l’État. En témoignent toutes les lois pour les avantager », avance l’avocat Kévin Mention. La législation évolue peu à peu à l’avantage de ces entreprises d’ubérisation. « À une époque, la jurisprudence disait qu’aider un indépendant à s’immatriculer était un indice de subordination - désormais, la loi dit que la plateforme a l’obligation d’aider l’indépendant à le faire. Idem pour les frais d’assurances : de nombreuses jurisprudences les présentaient comme un indice de subordination, et il y a maintenant, dans la loi, la possibilité pour ces plateformes de fournir une assurance », ajoute l’avocat.

À l’ère Macron, les plateformes et les intérêts du gouvernement sont convergents. La ligne du « tiers statut » pour leurs travailleurs – plus vraiment salariés, plus vraiment indépendants – est portée par l’actuel gouvernement. Ministre du Travail, Élisabeth Borne affirmait déjà en septembre 2021 devant l’Assemblée nationale que « le gouvernement considère que le développement des plateformes ne doit pas être combattu par principe ou par idéologie ».

Parfois, la collaboration entre institutions et plateformes est bien plus explicite. À la sortie du confinement, en avril 2020, StaffMe a conclu un partenariat avec la région Île-de-France, présidée par Valérie Pécresse, « pour notamment aider les entreprises et services indispensables au redémarrage à recruter et relancer l’activité », explique-t-on à la région. Avec la plateforme « Ensemble pour l’emploi », les demandeurs d’emploi peuvent se voir redirigés – selon leur âge et statut – soit vers Le Bon Coin pour des offres d’emploi, soit vers un lien d’inscription à StaffMe.

« Un tampon de légitimation »

Sur le site de StaffMe, quelques coups de souris vers le bas font apparaître le logo de l’opération gouvernementale « #1jeune1solution », apposée au texte « Partenaire du gouvernement, StaffMe se mobilise pour l’emploi des jeunes ». Partenaire du gouvernement, vraiment ? Sollicité, StaffMe n’a pas répondu à ce sujet [2]. Au Haut-commissariat à l’Emploi, en charge de cette campagne, on précise bien que les plateformes ne sont pas réellement associées à ce plan, ni partenaires.

Selon eux, la confusion vient de la liste « Les entreprises s’engagent », où différentes entreprises peuvent faire des promesses pour favoriser l’emploi des jeunes en interne. « Leur engagement pour l’emploi peut prendre plusieurs formes : recruter des alternants, des stagiaires, convertir des CDD en CDI, etc. Ce n’est en aucun cas leur service qui est concerné, c’est l’entreprise en tant que telle », nous précise le service de presse.

StaffMe « partenaire du gouvernement »
L’affichage sur le site de la plateforme peut porter à confusion, pourtant le Haut commissariat à l’Emploi affirme ne pas avoir lié de partenariat avec StaffMe dans le cadre de la campagne #1jeune1solution.
Capture d’écran

Sans explications, difficile de deviner que StaffMe n’est pas effectivement soutenu par l’État. « La main-d’œuvre a confiance en l’institution publique, cela leur permet donc d’avoir une image de confiance, un tampon de légitimation auprès des entreprises mais aussi auprès des travailleurs, d’autant plus que ces derniers sont souvent inexpérimentés et dans une situation de besoin », analyse la juriste et élue Barbara Gomes.

L’inspection du travail en embuscade

Pour agir contre les plateformes, deux leviers sont possibles : aux prud’hommes ou avec des poursuites pénales. D’un point de vue pénal, l’inspection du travail pourrait se saisir de ces questions. Ça a été le cas dans l’affaire Deliveroo, où la plateforme et ses anciens dirigeants ont été condamnés à de la prison avec sursis et de lourdes amendes en avril dernier.

Quelques inspecteurs du travail commencent à s’emparer d’affaires de travailleurs indépendants passés par ces plateformes, mais le manque de moyens rend difficile l’enquête. Les inspecteurs se retrouvent à faire du cas par cas, s’ils tombent sur un « indépendant » dans l’entreprise qu’ils visitent… Mais avec des milliers d’entreprises utilisatrices de ces plateformes, l’approche individuelle semble vaine. Sauf que l’inverse est aussi compliqué. Faute de lieu de travail unique, l’inspection du travail doit prendre le temps de trouver, rencontrer et entendre nombre de travailleurs uberisés – justement difficiles à identifier du fait de leur éparpillement.

Du côté des prud’hommes, les choses avancent lentement, mais sûrement. En fin d’année, Monoprix passera devant la juridiction du travail pour une demande de requalification en CDI d’un ancien indépendant. La plateforme StaffMe est attaquée au même titre que l’enseigne, en tant que coemployeur.

Pour StaffMe, leur modèle « a fait l’objet à partir de 2018 de contestations médiatiques et judiciaires principalement initiées ou pilotées par le syndicat de l’intérim dans la presse et devant les tribunaux ». Malgré les attaques, la plateforme s’avère optimiste pour ce procès : « Les différentes initiatives juridiques (plainte pénale, action devant le tribunal de commerce etc.) engagées à l’encontre des plateformes de travail indépendant se sont toutes soldées par des échecs. »

Et d’ajouter, sans que l’on différencie l’ironie du défi : « Il n’y a guère que le CGLPL [Contrôleur général des lieux de privation de liberté] que Prism’emploi [syndical patronal de l’intérim, ndlr] n’ait pas saisi contre StaffMe ou contre une plateforme de ce type qui ne sont pas concurrentes des entreprises de travail temporaire mais complémentaires. »

Pourquoi ce procès arrive si tard, alors que ces plateformes existent depuis 2016 ? « Quand les procédures prennent presque quatre ans, c’est compliqué », souffle l’avocat Kévin Mention, tout en restant optimiste. « Si Monoprix est condamné, cela sera déjà une victoire et une sanction pour StaffMe. Ça montrera que les utilisateurs ne sont pas dans la légalité. Et à partir du moment où le salariat est reconnu dans cette affaire, les entreprises se tourneront moins vers StaffMe. » La procédure est soutenue à la fois par des syndicats de travailleurs et de patrons d’entreprises d’intérim.

Emma Bougerol

*Le prénom a été modifié

Image de une : © Jean de Peña

Boîte noire

Voici la réponse transmise par Monoprix : « Au plus fort de la crise sanitaire, Monoprix, comme beaucoup enseignes, a dû faire face à une augmentation importante de son taux d’absentéisme (arrêt pour garde d’enfants ou personnes fragiles principalement).
Afin de maintenir nos magasins ouverts, de très nombreux leviers ont été activés (augmentation des bases horaires de tous nos étudiants, pour ceux qui le souhaitaient, rappel de tous nos anciens CDD, recrutement de CDD et intérim) ; faute de candidats, en quantité suffisante, Monoprix a eu recours de manière très exceptionnelle à la solution StaffMe.
Cela nous a permis de répondre à l’urgence des demandes, dans des délais de prévenance extrêmement contraints, de l’ordre de quelques heures, pour des durées très courtes (la durée moyenne des missions a été de 4 jours). Ce renfort a été fondamental pour maintenir ouverts certains de nos magasins et poursuivre nos activités essentielles à la vie du pays pendant la crise sanitaire.
À ce jour, nous n’y avons recours que pour des besoins extrêmement ponctuels ne relevant principalement pas de notre cœur de métier, notamment des opérations de street marketing, se déroulant en dehors de nos magasins. »

Notes

[1Projet MEENU « Mondes de l’Emploi Etudiant à l’heure Numérique » (Dares-Dress) conduit par Marie Trespeuch

[2La plateforme StaffMe nous a fait parvenir des réponses à plusieurs de nos questions le 31 août. Elle n’a pas répondu à la question « Sur votre site, vous mettez en avant le logo "#1jeune1solution", en y apposant la mention "partenaire du gouvernement", que cela signifie-t-il ? En quel sens êtes-vous "partenaire du gouvernement" ? ».