Ils sont maires de villages de quelques centaines d’âmes ou d’agglomérations de plus de 100 000 habitants. Ils président aux destinées de villes côtières, de cités montagnardes ou de banlieues défavorisées. Leurs étiquettes politiques sont différentes, de la gauche « plurielle » à l’union de la droite, mais ils mènent ensemble un combat commun : face à la multinationale pétrolière Total. Les maires de douze communes [1], appellent dans une lettre commune la multinationale française à agir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Faute de quoi ils pourraient l’attaquer en justice. Eric Piolle, le maire de Grenoble, s’en explique dans une vidéo.
S’ils visent en particulier Total, c’est parce que « les émissions de gaz à effet de serre de ce groupe industriel, qui figure au 19e rang des plus grands pollueurs du monde, représentent à elles seules plus des deux tiers de l’ensemble des émissions de la France », expliquent les quatre associations qui soutiennent ces élus dans leur démarche [2]. Or, s’il est encore possible, selon le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat) de rester en-deça des 1,5°C de réchauffement, cela implique de réduire drastiquement les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici 2030 (-45%). Dans ce contexte, la majorité des experts s’accordent sur la nécessité de laisser 80 % des réserves fossiles dans le sol.
« Il est temps pour les grands industriels de cesser leurs pollutions »
Depuis fin février 2017, la loi sur le devoir de vigilance oblige les multinationales à établir un « plan de vigilance » pour prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement qui peuvent découler de leurs activités. Or, les avocats des collectivités soulignent que le premier plan de vigilance publié par Total « n’apparaît pas conforme aux exigences légales ». « La cartographie des risques publiée ne mentionne pas le risque lié au changement climatique résultant de la hausse globale des émissions de gaz à effet de serre », et les actions et mesures adoptées par le groupe « ne sont assurément pas à la hauteur des impacts » de Total, soulignent-ils.
Les maires exigent de Total qu’elle mette en conformité son nouveau plan de vigilance qui doit être publié en mars 2019. Dans le cas contraire, « nous serions contraints de saisir la juridiction compétente », préviennent-ils. « Il est temps pour les grands industriels de cesser leurs pollutions, il est temps de mettre fin aux actes qui détruisent la planète et créent la misère humaine », assure Damien Carême, le maire écologiste de Grande-Synthe (notre reportage). Aux États-Unis, plusieurs villes, dont New York, San Francisco ou Oakland, ont déjà entrepris de poursuivre certaines multinationales pétrolières.
En photo : exploitation de gisements de sables bitumineux en Alberta, au Canada, région où Total est également présente.
– A lire également : Victimes du changement climatique, des Européens intentent un procès à l’Union européenne