Le nouveau variant du Covid-19, Omicron, fait craindre une recrudescence globale de l’épidémie. Il s’est déjà rapidement propagé en Afrique du Sud. Ce n’est pas tout à fait un hasard. Dans ce pays, seulement 23 % de la population est complètement vaccinée contre le Covid-19. Le taux de vaccination de la population est en revanche de 75 % en France (88 % des plus de 12 ans), 80 % en Espagne, 87 % au Portugal. En Algérie, il tombe à 11 %. Au Kenya et au Sénégal, seulement 5 % de la population est vaccinée, à peine 2% au Cameroun, et moins de 2 % en Éthiopie, au Burkina Faso, ou au Nigeria où le nouveau variant vient d’être détecté [1].
Dans la grande majorité des pays les plus pauvres, surtout en Afrique, les taux de vaccination sont au plus bas. En cause, les laboratoires qui ne produisent pas assez de doses pour une distribution mondiale des vaccins en nombre suffisant ; et les pays les plus pauvres n’ont pas les moyens d’en acheter en masse. Il demeurent tributaires de Covax, une initiative de solidarité internationale par laquelle les pays riches financent des vaccins pour les autres. Une aide distillée au compte-gouttes.
Depuis des mois, les ONG du monde entier et des pays du Sud demandent la levée des brevets sur les vaccins anti-Covid pour permettre une production et une distribution suffisante et accessible à tous. En vain pour l’instant. L’Union européenne (UE), entre autres, bloque toujours. « Les inégalités vaccinales favorisent la circulation du virus Sars-Cov-2 et renforcent le risque d’émergence de variants plus dangereux, rappelle Pauline Londeix et Jérôme Martin, de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, OT-Meds En empêchant depuis plus d’un an les pays du Sud de produire des vaccins, en bloquant à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) la demande de lever les barrières de propriété intellectuelle sur toutes les technologies contre le Covid-19, la Commission européenne et les dirigeants des pays de l’UE laissent le virus circuler, favorisent les mutations et l’émergence de variants potentiellement plus dangereux, y compris pour les populations des pays les plus vaccinées. Le variant Omicron est donc une preuve supplémentaire de la nécessité vitale et de l’urgence de lever des barrières de propriété intellectuelle. »
Les ONG appellent la France à respecter son engagement en faveur de la levée des brevets. En juin, Emmanuel Macron s’était engagé face aux ONG à soutenir la demande portée à l’OMC par l’Inde et l’Afrique du Sud, et une centaine de pays, pour la levée temporaire des brevets sur les vaccins contre le Covid-19. Depuis, la France s’est rallié à la proposition de la Commission européenne, qui bloque les négociations.
« Nous ne pouvons continuer de fermer les yeux »
« Alors qu’une troisième dose est préconisée en France, une grande majorité de la population mondiale issue des pays en développement n’a pas accès au vaccin. Face à la recrudescence de l’épidémie et la montée du variant Omicron, nous ne pouvons continuer de fermer les yeux sur ces inégalités vaccinales criantes sous prétexte de préserver les intérêts du privé », s’indigne la présidente de Médecins du monde, Carine Rolland. « 40 ans d’épidémie de sida et plus de 36 millions de morts n’auront donc pas suffi à nos gouvernements pour tirer les leçons des conséquences meurtrières de l’opposition à la levée des brevets. Combien de morts encore ? » interroge aussi la directrice générale de Sidaction, Florence Thune.
« Il est temps que nos responsables en finissent avec le dogmatisme et l’obscurantisme, et adoptent enfin les mesures de bon sens et éthiques que la situation impose : lever au plus vite toutes les barrières de propriété intellectuelle, assurer un transfert de technologies, soutenir la production de vaccins dans les pays du Sud » renchérit OT Meds. Pour pousser l’Europe à agir, une initiative citoyenne européenne nommée « Pas de profit sur la pandémie », demande à la Commission européenne de prendre au plus vite « des mesures pour faire des vaccins et des traitements antipandémiques un bien public mondial, librement accessible à tous ». Elle a recueilli plus de 200 000 signatures.
Photo : Vaccination contre le Covid-19 au Guatemala. CC BY-NC-ND 2.0 Pan American Health Organization PAHO via flickr.