La fiscalité est le premier des quatre sujets que détaille Emmanuel Macron dans sa lettre adressée le 13 janvier aux Français. Avant même que le grand débat national voulu par le gouvernement ne s’ouvre ce 15 janvier, l’orientation est donnée : « Nous ne pouvons, quoi qu’il en soit, poursuivre les baisses d’impôt sans baisser le niveau global de notre dépense publique ». Or, la lettre ne mentionne à aucun moment l’évasion et la fraude fiscale, alors même qu’une lutte efficace en ce domaine est primordiale pour financer l’action publique et rétablir de la justice fiscale réclamée par de nombreux gilets jaunes.
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Selon un rapport du syndicat Solidaires-Finances publiques, publié en septembre dernier, le montant total de la fraude et de l’évasion fiscale « se situerait entre 80 et 100 milliards d’euros ». Ce montant est supérieur de 20 milliards à celui relevé dans le dernier rapport en 2013 où le manque à gagner annuel pour les recettes fiscales, lié à l’ensemble de ces pratiques illégales, était évalué entre 60 et 80 milliards d’euros. Pour Solidaires-Finances publiques, en atteignant des niveaux records, cette fraude « affaiblit le consentement à l’impôt, plombe les budgets publics et fausse l’activité économique au détriment des acteurs économiques honnêtes qui subissent tout à la fois un rapport d’imposition et les conséquences d’une politique de rigueur privée de recettes suffisantes ».
Selon les auteurs du rapport, l’explication est à chercher notamment du côté du manque de personnels. « 3 100 emplois ont été supprimés dans les services de contrôle fiscal depuis 2010 et les restructurations se sont enchaînées » souligne le syndicat. Cela s’est traduit par une chute du taux de couverture du tissu fiscal, autrement dit des opérations de contrôle. A titre d’exemple, les contrôles d’examen de la situation fiscale personnelle sont passés de 4166 en 2008 à 3613 en 2017. Même baisse de la pression en direction des entreprises : « en moyenne, une entreprise soumise à la TVA pouvait faire l’objet d’une vérification de comptabilité tous les 84 ans en 2008, mais tous les 129 ans aujourd’hui », illustre Solidaires-Finances publiques.
Pour le syndicat, « une véritable volonté politique en matière de lutte contre la fraude fiscale doit donc inverser cette logique qui affaiblit durablement le contrôle fiscal ». Or, le gouvernement prévoit pour l’heure 2130 nouvelles suppressions de postes en 2019 à la Direction générale des Finances publiques... dont l’une des missions est de lutter contre la fraude fiscale.
Photo : © Serge D’ignazio / Acte 8 des Gilets Jaunes à Paris, le 5 janvier 2019.
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