L’Assemblée nationale discute depuis le 20 juillet de la loi devant étendre le passe sanitaire. Le texte devrait être définitivement adopté d’ici la fin du week-end, en procédure accélérée. En plus des contraintes imposées à tout un chacun – présenter un certificat de vaccination ou de test covid négatif pour tous les lieux publics avec plus de 50 personnes, pour les trajets longues distance, entre autres –, le projet du gouvernement prévoit aussi des contraintes supplémentaires sur les salariés.
Les personnes qui travaillent dans des lieux accueillant du public (restaurants, cinémas…) devront ainsi présenter un passe sanitaire, avec preuve de vaccination complète, certificat de rétablissement du Covid ou test négatif récent. Si un salarié refuse de s’y soumettre, son employeur pourra le suspendre, ainsi que sa rémunération. Si la situation perdure au-delà de deux mois, l’employeur pourra le licencier. « La cible à combattre est le virus, pas les salariés ! » a réagi la CGT le 21 juillet. « La CGT réaffirme, sans ambiguïté, sa position sur la nécessité de la vaccination pour combattre efficacement la pandémie mais réaffirme son opposition à son obligation. »
Le syndicat rappelle aussi que « les salariés de nombreux champs d’activité ont été lourdement pénalisés par la crise sanitaire. Beaucoup d’entre eux ont vu leur vie plonger un peu plus dans la précarité. D’autres, en première ligne, ont répondu aux impératifs de santé ou de la vie quotidienne. Ils attendent encore tous des signes de reconnaissance de leur rôle décrété comme “essentiel” il y a encore quelques mois. Aujourd’hui, ce texte qui porterait atteinte à leur liberté de travailler ne peut être la réponse à cette attente ! »
« La vaccination obligatoire de certaines professions sert à cacher l’incurie du gouvernement »
L’Union syndicale Solidaires aussi s’oppose à ces nouvelles mesures de contraintes, tout en réaffirmant son soutien à la vaccination : « La vaccination est un élément clef pour stopper ou limiter les dégâts de l’épidémie. Mais le gouvernement, par le biais du passe sanitaire, adopte une démarche autoritaire. ». Le syndicat pointe l’injustice d’une obligation vaccinale imposée aux personnels soignants, annoncée par Macron le 12 juillet et prévue dans le texte de loi sur le passe sanitaire : « La vaccination obligatoire de certaines professions sert à cacher l’incurie du gouvernement depuis le début de la pandémie. Alors que les personnels de santé ont été exposés sans protection, sans matériel adéquat pendant de nombreux mois, c’est la culpabilisation sur la vaccination, voir le licenciement qui leur sont imposés. Les héros et héroïnes d’hier, qui étaient sommé.es de travailler auprès des patient.es même quand elles/ils étaient positives au Covid, sont stigmatisé.es aujourd’hui. »
Pour la fédération CGT du secteur de la santé et du social, il faut plutôt « convaincre sans contraindre » sur la vaccination du personnel des établissements de soin : « Le gouvernement préfère accuser les personnels de santé d’entretenir la défiance des Français vis-à-vis de la vaccination alors qu’il aurait dû mettre tout en œuvre pour les soutenir et lutter efficacement contre l’épidémie. C’est pourquoi la Fédération CGT de la Santé et de l’Action sociale demande que tous les moyens soient mis en œuvre immédiatement pour renforcer notre système de santé, notamment en personnels, en moyens et en budgets. » Force ouvrière l’a rappelé en début de semaine : pendant que se discutent de nouvelles mesures de contraintes pour tenter de contrer l’épidémie, des lits continuent de fermer dans les hôpitaux. Quelque 1800 lits d’hôpitaux ont été fermés ou supprimés en quinze mois, entre le 1er janvier 2020 et le 30 mars 2021, a calculé le syndicat (voir aussi notre suivi des fermetures de lits d’hôpitaux).
La Défenseure des droits, Claire Hédon, a elle aussi alerté sur les risques de discrimination qui pèsent sur les salariés : « Les mesures prévues par le projet de loi ont pour conséquence d’opérer in fine une distinction entre les travailleurs détenteurs de l’un des trois documents demandés et les autres. » Elle pointe également le fait que « les personnes en situation de pauvreté pourraient être doublement victimes ». En effet, « la carte des plus faibles taux de vaccinations recoupe celle de la pauvreté, de la fracture numérique, de l’accès aux services publics. Les nouvelles mesures comportent ainsi le risque d’être à la fois plus dures pour les publics précaires et d’engendrer ou accroître de nouvelles inégalités. » Plus largement, la Défenseur des droits souligne que la mise en œuvre du passe sanitaire va conduire au « contrôle d’une partie de la population par une autre ».
Rachel Knaebel