Grands projets inutiles

Victoire des opposants à la scierie géante du Morvan

Grands projets inutiles

par Nolwenn Weiler

Société civile du Morvan : 1 – Grand projet inutile de scierie géante : 0. Ainsi en a décidé le conseil d’État le 9 octobre. Portée par des élus locaux membres du Parti socialiste, et par le ministre Arnaud Montebourg, cette scierie devait s’installer aux portes du parc régional du Morvan, sur la commune de Sardy-les-Epiry. Il prévoyait de cumuler une plateforme de sciage, une centrale de cogénération de biomasse et la fabrication de granulés destinés à la production d’électricité en Belgique. Dès son lancement, en 2010, le projet avait rencontré une vive opposition de la population locale. Qui pointait les risques de déforestation et de pollution atmosphérique liées à la cogénération, de destruction des industries locales déjà installées, le trafic de camions – 170 camions par jour prévus dans certaines communes – et la perte de ressources touristiques.

Les tensions se sont accrues au début de l’année 2013. Fin janvier, la préfecture de la Nièvre signe un troisième arrêt autorisant la destruction d’espèces protégées vivant sur la zone promise au défrichement. Faisant fi des décisions du tribunal administratif de Dijon, qui avait déjà ordonné par deux fois la suspension de ces autorisations de destruction d’espèces. Des associations, notamment Loire vivante et France nature environnement (FNE), attaquent une nouvelle fois la décision de la Préfecture. Au même moment, des opposants s’installent dans le bois du Tronçay pour empêcher les tronçonneuses d’entrer en action. Une centaine de gendarmes leur font face. Une zone à défendre, comme celle instituée à Notre-Dame-des-Landes, s’installe dans l’Est de la France... Fin février, les juges dijonnais donnent, à nouveau, raison aux opposants. Le projet ne comprend pas de « raisons impératives d’intérêt majeur », qui pourrait justifier la destruction de l’habitat des batraciens et autres chauve-souris locales.

Promettre des emplois ne suffit plus

Les promoteurs du projet, soutenus par la ministre de l’Environnement Delphine Batho, se tournent alors vers le Conseil d’État. Qui vient donc de confirmer que la scierie industrielle prévue ne présente pas de « raisons impératives d’intérêt majeur ». Selon Benoist Busson, avocat de FNE, cité par Le Monde, « cet avis marque un changement de jurisprudence du Conseil d’État. Il y a certes d’autres décisions qui ont abouti à l’abandon de futurs chantiers au nom de la directive habitat et de la faune, mais ils étaient défendus par des promoteurs privés. Cette fois, le Conseil d’État a contrecarré un projet de politique publique. Mettre en avant la création d’emplois ne suffit plus, on peut donc s’attendre à ce que les contentieux se multiplient à l’avenir ».

Pour les opposants, et notamment l’association Adret Morvan, le combat ne s’arrête pas là : « Nous serons particulièrement attentifs au futur projet de loi sur l’orientation de la forêt, qui doit être discuté en 2014, car en Bourgogne comme ailleurs, Adret Morvan refuse l’industrialisation massive et non réfléchie de nos forêts », préviennent-ils.