Un demi millier de personnes ont, chaque jour, fréquenté le premier camp action climat français, du 2 au 9 août à Notre Dame des Landes en Loire Atlantique. Ce camp est né d’une conjonction de volontés et d’expériences : la participation d’un couple de militants au camp climat anglais l’année précédente, la volonté de l’association Les amis de Silence ! d’organiser un camp davantage tourné vers l’action, et une coordination d’associations locales cherchant à développer la lutte contre un projet d’aéroport. L’initiative rassemble des individus sans drapeau ni porte-parole. Les décisions sont prises par consensus pour essayer d’être le plus inclusif possible. Beaucoup découvrent pour la première fois quelques principes concrets d’autogestion. Vivre ensemble, à plusieurs centaines durant une semaine, dans un pré complètement vide quelques jours auparavant : le pari est de taille !
En 2006, le premier camp climat au Royaume-Uni réunit 600 personnes qui squattent un pré et tentent de fermer une centrale thermique, principal site d’émission de gaz à effet de serre du pays. L’expérience fait des petits : trois ans plus tard, on dénombre une vingtaine de camps climat dans le monde, inspirés par quatre grands principes : des actions directes non-violentes ciblant des « crimes » climatiques, une empreinte écologique minimale, le partage de savoirs et la construction d’un réseau de militants du climat. Ce mouvement, où les jeunes sont très présents, invente et tente de construire un mouvement mondial pour une justice climatique.
Le soleil est au rendez vous. L’autogestion du camp se passe sans incident majeur. Pour 2,70 euros minimum, on peut se nourrir correctement (et parfois gratuitement) sous des chapiteaux et des yourtes. Les diverses conférences se préparent sous des toiles tendues. La plupart des « résistants » dorment dans leurs tentes individuelles dispersées ça et là sur la vaste pelouse prêtée par un propriétaire lui-même engagé dans la lutte. Une forêt magnifique borde le camp dans laquelle on peut se promener à pied, traversant ainsi la future parcelle aéroportuaire de la région nantaise. Un gâchis environnemental immense quand on pense aux hectares de forêt coupée et remplacée par des parkings ou autres pistes largement goudronnées.
Ce projet de « Grand aéroport du Grand–Ouest pour une Grande Métropole », porté bien sûr par un Grand maire et un Grand président de la République, est proposé par le Comité interministériel d’aménagement et de compétitivité du territoire, pour un coût de quelques centaines de millions à quelques milliards d’euros. Pour être compétitifs, forêts, faune et bocages doivent donc disparaître au profit des réacteurs des avions de ligne.
Le projet a vu le jour en 1970. Deux ans plus tard, la résistance s’installe dans la campagne nantaise. En 1976, un premier livre dénonce le projet : "Dégage !... on aménage" [1] Aujourd’hui, de nombreuses associations continuent ce combat, notamment l’Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (ACIPA).
Des propositions alternatives existent, qui permettraient le maintien de l’aéroport au sud de Nantes, là où il est déjà, à Bouguenais, avec une seule piste. Ces alternatives mettent en avant l’exagération des chiffres avancés quant à l’augmentation du trafic, la sur-dimension du projet, plus grand que l’aéroport de Roissy en surface. Elles évoquent notamment la possibilité de réorienter la piste existante de l’aéroport nantais dans une direction est-ouest, comme cela a été envisagé il y a 30 ans pour éviter le survol de Nantes. Un projet qui n’a pas été réalisé, du fait de la construction prévue de ce nouvel aéroport. La Commission européenne recommande de son côté la mise en réseau des aéroports de l’Ouest : Nantes, Saint-Nazaire, Rennes et Angers. Et bien sûr, la principale critique concerne cet investissement faramineux dans un mode de transport déjà voué au déclin (les compagnies aériennes prévoient 3,8 milliards de dollars de perte en 2010).
Paradoxe : la mise en Zone d’aménagement différé (ZAD) ou, plus clairement, Zone à démolir, a permis pendant 30 ans une conservation du patrimoine naturel. Pour la Direction régionale de l’environnement (Diren), ces lieux de bois, de landes peuplées de mares et de bocages sont d’une « remarquable diversité ». Cela n’empêche nullement tout aménagement, mais l’autorité compétente doit montrer qu’elle fera le nécessaire pour protéger autant que possible cette diversité. Gageons qu’un musée de la haie champêtre à côté de l’aéroport sera apprécié par les voyageurs en quête de lointaine contrée préservée à explorer.
Les perspectives ? Un des objectifs du camp action climat est d’aider à la création d’un mouvement d’ampleur nationale, avec des militants d’origines diverses, pour donner un cadre à la lutte contre le changement climatique.
Ce mouvement est en train de naître en France, comme il existe déjà en Grande Bretagne ou en Allemagne. Mais il reste absent de la majorité des pays européens.
Des appels au blocage ont été lancés contre la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à Copenhague. C’est la première fois que l’ONU est l’objet d’une telle contestation. Ce genre d’appel cible d’habitude le G8, l’OTAN, le FMI ou l’OMC. L’ONU fait quelquefois office de solution démocratique face à ces institutions internationales financières, commerciales et militaires. Si ce dernier rempart n’arrive pas proposer un accord international permettant radicalement de limiter le changement climatique et son impact sur l’homme, les conséquences seront importantes, et nous connaitrons une nouvelle période de guerre où les puissants tenteront de conserver à tout prix leurs réserves écologiques et énergétiques. Les actions directes de Copenhague nous sembleront alors un souvenir d’une douce époque où tout était encore possible.
Photos et textes :
Daniel Maunoury, Aurélien Dailly, Benoît Kubiak, http://avenirclimat.info
Une vidéo sur le Camp Climat et l’action menée à l’aéroport de Nantes :