Une zone de non-droit dans une commune française ? Les locaux de la police aux frontières (PAF) de Menton, dans les Alpes-Maritimes, sont dans le viseur d’associations et syndicats [1]. Dans un communiqué commun, ces organisations dénoncent l’utilisation de ces locaux « pour enfermer illégalement les personnes migrantes avant de les refouler en Italie ». Lors d’une mission exploratoire menée à la frontière franco-italienne entre le 15 et le 20 mai dernier, l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) et la Cimade se sont vu refuser l’entrée dans cette « zone de rétention provisoire », constituée de bâtiments préfabriqués et de sanitaires amovibles. Une deuxième visite a permis de confirmer que des personnes y étaient bien privées de liberté.
Les organisations citent le commandant de la PAF, qui a « dans un premier temps affirmé qu’il s’agissait d’une zone d’attente » [2]. Les représentants de ces associations étant habilités à visiter toutes les zones d’attente sur le territoire français, le commandant se serait ensuite rétracté pour leur refuser l’accès. Il aurait alors parlé d’une « zone de rétention provisoire pour les personnes non admises » et d’un « lieu privatif de liberté pour les personnes qui vont être réadmises en Italie ». D’après les sources de ces associations, « le premier étage de la gare de Menton-Garavan est également utilisé comme lieu d’enfermement ».
Pas de lit, pas de matelas, pas de nourriture
Ces associations et syndicats ont décidé de saisir le 6 juin le tribunal administratif de Nice. L’audience a eu lieu le lendemain matin. « Selon les témoignages des migrants qui sont passés par ce lieu, il n’y a pas de lit, pas de matelas, uniquement des bancs. Ils n’ont pas non plus à manger », souligne Laure Blondel, coordinatrice générale de l’Anafé, contactée par Basta!. 100 à 150 personnes passeraient chaque jour par ce lieu. « Ce sont des durées très courtes, une journée, certains restent la nuit, le temps d’être convoyé en Italie. Mais cela reste catastrophique sans base légale. Certains migrants avaient par exemple réussi à se faire enregistrer pour leur rendez-vous de demande d’asile, mais ils ont été interpellés, envoyés dans cette zone puis renvoyés en Italie. Sans prendre en compte qu’ils peuvent être des demandeurs d’asile ou des mineurs isolés, ni leur laisser la possibilité d’une assistance juridique. C’est la première fois que l’on se retrouve face à un tel lieu en France ! »
Les organisations ont donc déposé une requête en référé-liberté, procédure d’urgence en cas d’atteinte « grave et manifestement illégale » aux libertés fondamentales par une administration. Elles demandent de « faire la lumière sur ce lieu de privation de liberté illégal » en effectuant une visite sur place, de « suspendre la décision informelle de sa création prise par le préfet des Alpes-Maritimes » et de « mettre immédiatement fin à la situation de privation de liberté des personnes qui y sont détenues ».
« L’État est responsable de la mise à l’abri des personnes en quête de protection. Il est temps qu’il prenne ses responsabilités au lieu de les renvoyer en Italie en toute illégalité », concluent les organisations. C’est également dans cette zone, à la frontière franco-italienne, que des poursuites judiciaires sont menées contre les citoyens qui aident les migrants (lire notre reportage). La décision du tribunal administratif devrait être rendue d’ici le 12 juin prochain.