Le 6 novembre, Gaspard Glanz, journaliste et gérant de l’agence de presse Taranis News, réalise un reportage sur une réquisition de chaises dans une agence du Crédit Agricole à Strasbourg. L’action, menée à visage découvert par quatorze militants du collectif Action non violente COP21, vise à dénoncer symboliquement l’évasion fiscale que facilitent de fait les banques qui possèdent des filiales dans les paradis fiscaux. Une vingtaine d’autres actions similaires ont déjà eu lieu dans d’autres villes (à Bordeaux, Paris, Bayonne ou Bruxelles). A Strasbourg, l’initiative tourne mal pour le journaliste : la police arrive à la fin de l’action et va le traiter sans ménagement, faisant fi de la liberté de la presse…
Alors qu’il se trouve sur l’espace public afin de filmer l’intervention des forces de police, venues en nombre pour mettre un terme au dangereux « braquage » de chaises, Gaspard Glanz est saisi par quatre policiers qui l’emmènent à l’intérieur de la banque. Ils veulent consulter les images qu’il a tournées, mais le journaliste refuse de laisser les policiers y accéder. Ces derniers lui demandent sa carte de presse, mais gérant d’une agence de presse, il n’en a pas puisqu’elle est réservée aux salariés. « Tu n’as pas de carte de presse, tu n’es pas journaliste », lui répond l’agent, qui ne veut entendre aucune explication ainsi qu’en témoigne la vidéo de l’arrestation publiée par le site Taranis News :
Devant son refus de montrer ses images, Gaspard Glanz est emmené à l’Hôtel de police et placé en garde à vue à 17h45 pour « vol aggravé en réunion avec violence ». Arrivé au commissariat, son sac contenant sa caméra lui est retiré. Après un procès verbal qu’il n’a pas le temps de lire, il est emmené vers 18h30 dans une cellule du sous-sol du commissariat. Avisée par la police en tant qu’employeur, la rédaction de Rue89 Strasbourg relate avoir confirmé auprès d’un officier de permanence la profession de Gaspard Glanz et les raisons pour lesquelles il était présent au moment de l’action du collectif. Alors que la rédaction demande la libération immédiate du journaliste, la police rétorque que « l’enquête suit son cours »...
Gaspard Glanz détaille alors les 18 heures de garde à vue qui vont suivre. Un récit édifiant à retrouver sur le site Taranis News. Aucune charge ne sera finalement retenue contre le journaliste qui sera libéré le lendemain matin. Lorsque sa caméra lui est restituée quelques heures plus tard, il la retrouve détériorée sans qu’aucun document justifiant la réquisition de son matériel ne lui soit communiqué. Rue89 Strasbourg dénonce « l’entêtement des policiers à aller jusqu’au bout de la procédure alors qu’il était clair dès les premières minutes que Gaspard Glanz n’était pas impliqué dans l’action visant l’agence du Crédit Agricole. Nous ne comprenons pas bien pourquoi il a été jugé utile de le priver de sa liberté, de le ficher et de lui faire subir toute la violence d’une garde à vue nocturne. Nous dénonçons également l’exploitation des images filmées par la police, ce qui nous semble être une violation du droit de la presse. »
La veille de cette action, une militante ayant participé à une réquisition de chaises à Bordeaux a été placée 7 heures en garde à vue. A Lyon, le 9 novembre, une dizaine de militants ont également été interpellés puis relâchés en début de soirée, suite à une action dans une agence HSBC. L’ensemble des chaises réquisitionnées serviront à organiser une action durant la conférence internationale sur le climat (COP21) pour dénoncer l’immobilisme des États et mobiliser les citoyens sur l’évasion fiscale. Si 60 à 80 milliards d’euros continuent d’échapper au fisc français chaque année, d’importants moyens policiers ont en revanche été déployés ces derniers mois pour retrouver les chaises réquisitionnées. Deux poids, deux mesures très inquiétants.