Coup dur pour la ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin, un projet d’infrastructure gigantesque déjà vieux de vingt-cinq ans. Le 18 avril au soir, la majorité écologiste et citoyenne de la ville de Grenoble a voté le désengagement du protocole de financement signé par la majorité socialiste précédente [1]. 130 millions d’euros, c’est ce que devaient verser ensemble le département de l’Isère, la métropole et la ville de Grenoble dans la future ligne TGV [2]. Avec ce vote actant son retrait, Grenoble est la première collectivité à se désengager. Une manière pour la ville d’affirmer « son soutien au développement d’alternatives moins coûteuses et plus efficaces » [3].
Les critiques portent notamment sur le coût pharamineux de l’ouvrage qui ne cesse d’augmenter, passant de 3 milliards d’euros initialement à 30 milliards aujourd’hui (lire notre précédent article : Lyon-Turin : une ligne ferroviaire à 30 milliards d’euros pour gagner une heure ?). Le rapport de la Cour des comptes publié le 23 octobre 2014 n’épargne pas non plus le projet dont elle juge la rentabilité « trop faible » [4]. Pour les élus grenoblois opposés au projet, le protocole signé en 2007 n’a fait l’objet d’aucune délibération en conseil municipal, alors même qu’il « modifie substantiellement la participation financière des collectivités locales » et qu’« aucune actualisation des données n’a été faite depuis ». A l’imprécision du montage financier du projet dans sa globalité conjuguée aux contraintes budgétaires des collectivités locales, s’ajoute la multiplication des coûts « par trois en 10 ans pour la partie française », comme le montre le schéma ci-dessous.

Privilégier la modernisation des réseaux ferrés existants
Eric Piolle, le maire de Grenoble, estime également que le projet « a été conçu il y a 25 ans, sur des hypothèses de développement de transport de marchandises délirantes, puisqu’elles sont en baisse depuis 20 ans », rapporte l’AFP. Les prévisions de trafic de voyageurs ont elles-aussi été surestimées : en 1991, les projections prévoyaient une fréquentation de 19 millions de passagers par an sur la ligne, quand le dossier d’enquête publique de 2012 se fonde sur 4 millions de passagers, soit presque cinq fois moins. Eric Piolle se dit « en revanche favorable à la modernisation des réseaux ferrés existants, où circulent les trains du quotidien, pour permettre une sécurisation des temps de parcours, fragiles aujourd’hui ». La Ville souhaite en particulier concentrer ses ressources sur la ligne TER Grenoble-Lyon reconnue comme « malade » par la SNCF elle-même, et sur des politiques volontaristes de report modal de la route vers le rail.
Cet acte politique peut-il avoir un impact sur la réalisation de la ligne à grande vitesse Lyon-Turin ? Les élus veulent croire que la machine peut encore être stoppée, d’autant que « les États français et italiens n’ont toujours pas trouvé les financements, demandés par l’Europe avant de débloquer son propre financement », selon l’élu écologiste Pierre Mériaux, interrogé par Montagnes Magazine. Le Préfet de Région, sollicité par la ville de Grenoble pour connaitre les positions des différentes collectivités locales sur le sujet, a indiqué qu’il réunirait d’ici l’été un comité. Sur le terrain, le creusement des galeries de « reconnaissance » se poursuit.
Sophie Chapelle
A relire :
– notre enquête : Lyon-Turin : comment Hollande s’apprête à gaspiller 11 milliards d’euros
– la tribune de Dominique Dord : « Ce grand projet n’a aucune rentabilité »