Fin septembre, le constructeur automobile allemand Volkswagen a annoncé avoir recruté l’ancienne commissaire européenne Connie Hedegaard. La conservatrice danoise siègera au sein d’un « conseil en soutenabilité ». Elle était, de 2010 à 2014, en charge de la politique européenne en faveur du… climat. En pleine tourmente du « dieselgate » – Volkswagen a mis en place des logiciels fraudeurs dans ses véhicules diesel pour en masquer les émissions réelles –, le groupe automobile a besoin de se redorer son image. Qui mieux qu’une ancienne commissaire européenne responsable de la régulation des émissions de CO2 – comme le souligne l’ONG Corporate Euorope Observatory – pour l’y aider ? Connie Hedegaard ne semble pas en vouloir à l’industriel d’avoir dupé le monde entier sur ses fausses performances...
L’ancienne commissaire au Climat ne fait que suivre la voie ouverte par ses pairs. Avant l’été, l’ancien président de la Commission européenne Manuel Barroso a rejoint la banque états-unienne Goldman Sachs, condamnée à de lourdes amendes pour avoir vendu des crédits pourris en connaissance de cause pendant la crise des subprimes de 2008 (Voir notre Article Évasion fiscale, fraudes et manipulations : découvrez le casier judiciaire de votre banque). Goldman Sachs avait auparavant aidé les précédents gouvernement grecs à maquiller la réalité de la dette publique aux autorités européennes. Là encore, aucun conflit éthique ne semble animer le social-démocrate portugais.
En mai, c’est l’ancienne commissaire au numérique, la néerlandaise Neelie Kroes, qui a emménagé chez Uber. Ses compétences et carnets d’adresses seront sans doute utiles pour une entreprise en délicatesse avec plusieurs pays européens, et pointée du doigt pour ses pratiques d’optimisation fiscale. Neelie Kroes est par ailleurs mise en cause pour avoir caché aux services de la Commission son implication dans une société enregistrée aux Bahamas, paradis fiscal notoire. Sa fonction de directrice, entre 2000 et 2009, de Mint Holdings Limited, ne figurait pas dans sa déclaration d’intérêt.
Ces conflits d’intérêt flagrants et ces pantouflages au plus haut niveau de l’exécutif européen ne sont pas nouveaux. En 1999, un ancien commissaire européen aux télécoms, l’Allemand Martin Bangemann, rejoignait le géant espagnol Telefonica, juste après avoir mis en œuvre la dérégulation du secteur (qui a mené en France à la privatisation de France Télécom)… 17 ans plus tard, rien n’a été fait pour empêcher ces pantouflages. Les derniers exemples Barroso, Kroes et Hedegaard vont-il enfin susciter des mesures ?
Le 4 octobre, les députés européens ont réclamé des mesures concrètes au commissaire européen aux affaires économiques, le Français Pierre Moscovici. Ils souhaitent un renforcement du code de conduite qui s’applique aux commissaires européens, une prolongation du délai pendant lequel les anciens commissaires ne pourront pas vendre leurs compétences au secteur privé, et des sanctions dans les cas d’infraction évidente aux règles. Seront-ils entendus par ceux-là mêmes qui pourraient être sanctionnés ?
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