La gauche est au pouvoir depuis plusieurs années et l’on se rend bien compte qu’elle ne mène pas une politique de gauche. C’est une politique de droite faite de tout sécuritaire et de tout répressif. « La gauche » a même osé faire ce que la droite ne s’était pas permise, à savoir toucher à certains acquis sociaux comme les allocations familiales. On a reculé sur l’éducation, les retraites, la santé. Je crois que nous n’avons jamais vu autant de corps professionnels manifester contre les mesures gouvernementales, que ce soit les infirmières, les médecins, mais aussi les élèves...
De plus en plus de gens osent contester ces politiques et l’on assiste à des violences policières qui ne touchaient jusqu’ici que des catégories bien identifiées à savoir les noirs et les arabes. Ces violences se sont étendues au reste de la population : je pense à Geoffrey, aux étudiants, à tous les élèves et collégiens qui se sont pris des coups de gaz lacrymogène, à ceux qui ont perdu un œil ou qui ont été blessés par des fonctionnaires de police pour avoir tout simplement manifesté leur désaccord avec le pouvoir.
Urgence sur les violences policières et le racisme d’État
En ce qui concerne les violences policières, la gauche ne fait que prolonger la politique mise en place par la droite et Nicolas Sarkozy en 2002 : en élargissant l’usage de l’arme à feu par les policiers, elle continue de leur donner de plus en plus de pouvoirs, et à nier l’existence de victimes de violences policières. Il y a urgence dans ce domaine là car il y a quand même des vies humaines à sauver. Alors que la peine de mort a été abolie dans ce pays en 1981 par François Mitterrand, il n’y a aucune raison que l’État accepte que ses agents mettent à mort des personnes qu’ils interpellent et que l’impunité leur soit accordée. Ce n’est pas possible, c’est juste inadmissible. L’urgence c’est de mettre un terme à l’impunité accordée aux criminels sous prétexte qu’ils sont policiers ou gendarmes.
Aujourd’hui, on constate un racisme d’État, de la xénophobie, des discriminations envers les femmes, les étrangers, les handicapés... Les politiques poursuivent la chasse aux migrants, aux roms, aux noirs, aux arabes. Tout cela ne relève pas des valeurs de gauche. Ça ne devrait même pas être des valeurs humaines. Une vraie gauche doit véhiculer des valeurs de partage, d’égalité sociale, d’égalité juridique, d’égalité économique, d’accès à l’éducation, d’accès à la santé, de vivre ensemble. Il y a suffisamment de place sur la terre pour tous.
Mener une politique étrangère d’ouverture et pacifique
Une vraie gauche doit aussi lutter pour un monde sans misère et mener une politique étrangère d’ouverture et pacifique. Peut-être que je suis utopiste mais c’est cela pour moi les valeurs de la gauche. Ces valeurs-là sont incarnées aujourd’hui par la société civile, c’est à dire les militants, les associations, ceux qui luttent au quotidien sur le terrain pour donner accès aux droits, à l’éducation, à la santé. Je pense aux Restos du cœur dont le travail est normalement du ressort de l’État. Et qui sont les donateurs des restos du cœur ? C’est nous : les jeunes, les femmes, les individus qui se côtoient au quotidien et qui sont solidaires. Mais il n’y a rien qui va dans ce sens là en termes de politiques, de la part de nos dirigeants. Au contraire.
Je suis peut-être un peu dure lorsque je dis qu’il n’y a aucun parti en France qui véhicule ces valeurs là. Il y en a un qui me vient à l’esprit, c’est le NPA (Nouveau parti anticapitaliste, ndlr). Il recueille très peu de voix lors des élections présidentielles ou législatives. Pourtant, sa ligne politique consiste à donner un poids à tout le monde, à donner à tous, à accorder le droit à la dignité pour chaque être humain, afin que personne ne dorme dehors, ne meure de faim ou de froid.
La gauche du futur ? J’ai envie d’aller loin et d’imaginer un État sans gouvernement, autogéré. Face à des élus qui, quel que soit leur parti, nous ont prouvé qu’ils ne nous écoutaient pas, je rêve d’une vraie gauche où les décisions seraient prises par les peuples, où aucune loi ne puisse être mise en place sans qu’ils ne se soient prononcés. Quelle que soit la forme que cela prenne, par référendum par exemple, il faut que chacun puisse s’exprimer et que sa voix soit entendue. Je regrette une chose aujourd’hui, c’est que lors des élections présidentielles, le vote blanc et l’abstention ne soient pas pris en compte alors qu’ils sont majoritaires. Une vraie gauche pour moi intègrerait ce volet là.
Ramata Dieng [1]
Propos recueillis par Sophie Chapelle
Photo de une : © Myriam Thiébaut / Basta!
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