182 députés du Parlement fédéral brésilien (sur 513 élus) ont créé, début décembre 2009, une commission d’enquête parlementaire sur le Mouvement des sans terre (MST). Les députés souhaitent éplucher les subventions que le gouvernement Lula aurait versé au MST. Ce mouvement social regroupe plusieurs millions de petits paysans, revendique une réforme agraire et pratique régulièrement des occupations non-violentes de terres laissées à l’abandon ou accaparées illégalement par les fazendeiros, les grands propriétaires. Les députés fédéraux accusent le MST d’avoir perçu en partie illégalement de l’argent public, soit 115 millions de Reais en cinq ans (46 millions d’euros). Selon eux, une partie de cet argent aurait financé l’organisation d’un événement à Paris, début octobre 2009.
Agro-terroristes
Ernandes Amorim, le meneur de cette offensive anti-MST et membre d’un petit parti de centre droit, le PTB, n’hésite pas à qualifier les dirigeants du MST « d’agro-terroristes » et le MST de mouvement « clandestin » qui « détruit tout sur son passage : laboratoires de recherche, réserves forestières ou plantations de soja [1] ». Un autre député, Ronaldo Caiado, compare le MST à la guérilla colombienne des Farc (Forces armées révolutionnaires de Colombie) : « Ce sont des Farc brésiliennes avec des deniers publics. ». De nombreux députés des grands partis centristes ou qui s’affichent « sociaux-démocrates » (PSDB et PMDB) ont également signé la demande de création de commission d’enquête.
Le comble pour la droite réactionnaire brésilienne : « Ces vandales ont traversé l’Atlantique pour vendre leur image à des Français mal informés », a attaqué Ernandes Amorim. Le député fait référence à une exposition organisée par le MST à Paris, à l’occasion de la commémoration des 25 ans du mouvement. Deux baraques en bois ont été installées pendant une semaine à côté de la Fontaine des Innocents, présentant des vidéos sur le MST et des photos de Sebastião Salgado. Le député Amorim accuse les sans terre d’avoir perçu 6 millions d’euros (15,4 millions de reais) pour organiser cet événement. Un chiffre sorti de nulle part.
Déboisement illégal
Le « campement » parisien n’a coûté que 22 000 euros, essentiellement financés par des organisations françaises de solidarité internationale - Les Amis de la Terre, Attac, Confédération paysanne, Centre de recherche et d’informations pour le développement (Crid) – plus quelques centaines d’euros de la Maire de Paris, qui sera heureuse d’apprendre qu’elle soutient une guérilla agro-terroriste. Pas le moindre centime n’a été versé par le gouvernement brésilien.
Par ses attaques, Ernandes Amorim veut peut-être faire oublier qu’il fait lui-même l’objet d’une enquête fédérale pour corruption, malversation d’argent public, déboisement illégal et accaparement illégal de 1600 hectares de forêt en Amazonie.
Cette violence offensive contre le MST survient dans un contexte où celui-ci a multiplié occupations de terres et de fazendas dans plusieurs États. En octobre prochain, auront également lieu les élections présidentielles. La campagne vient de commencer. Avec pour première cible les mouvements sociaux brésiliens, stratégie qui permet à la droite d’attaquer indirectement l’administration Lula.
Ivan du Roy