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« Imposture climatique », « conspiration », les mots ne manquent pas à Claude Allègre pour qualifier le « mythe du réchauffement climatique ». La responsabilité humaine dans ce dérèglement est également niée. Ce géochimiste, ancien ministre de l’Education nationale, de la Recherche et de la Technologie sous Lionel Jospin, publie « un livre choc » selon son éditeur, qui « raconte comment des ambitions scientifiques et politiques de quelques-uns ont pu s’appuyer sur (…) un mysticisme pour alimenter la peur et la culpabilité ». La sortie de ce livre ne doit rien au hasard. Deux mois après le fiasco de Copenhague, cet ouvrage accompagne la mise en cause des travaux du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec ou IPCC), l’instance mandatée par les Nations-Unies pour synthétiser les connaissances sur le changement climatique.
Confusion
Mi-novembre, des hackers divulguent la correspondance privée de plusieurs climatologues, dont certains collaborent à l’élaboration des rapports du Giec. Ces pirates perçoivent dans ces échanges la preuve des manipulations de données. Nature, une revue scientifique de référence, estime cette affaire « risible » : « rien dans ces mails ne remet en cause le fait scientifique que le réchauffement est réel ». En vain, le « climategate » embrase la blogosphère. Un mois plus tard, The Sunday Telegraph accuse le président du Giec, Rajendra Pachauri, de profiter de sa position pour accumuler à son bénéfice personnel des contrats des entreprises intéressées par des politiques liées au changement climatique. C’est au tour du Sunday Times le 17 janvier 2010 de pointer une erreur dans le rapport de 2007 du Giec selon lequel les glaciers de l’Himalaya disparaitraient en 2035. Depuis, les demandes de démissions de Pachauri et les propositions de réforme du Giec se multiplient. Au point de générer une confusion entre une partie du travail du Giec sur les impacts prévisibles, et la réalité du changement climatique.
Mal-être
« Et pourtant, il change... » interpellent les membres du Réseau Action Climat (RAC) qui vivent mal la médiatisation des opinions sceptiques. « Il est admis par la communauté scientifique que les activités humaines influencent très probablement le climat […] et que la température mondiale a augmenté de 0,74°C en moyenne entre 1906 et 2005 », rappelle le RAC. Il est également important de dissocier climat et météo. Comme le rappelle le climatologue Hervé Le Treut, « le climat donne des "tendances", ce sont des études statistiques qui permettent par exemple d’établir les saisons. À l’inverse, la météorologie permet de dater un évènement climatique sur une dizaine de jours ».
« Le retour des sceptiques du climat prouve quand même que l’on subit aussi ce contre-coup de Copenhague », analyse Sophie Zafari de la FSU lors d’une réunion le 6 février du collectif Urgence climatique – Justice sociale. Pour cette coalition regroupant des syndicats, partis et associations environnementales et de solidarité internationale, cette rencontre était l’occasion de faire un bilan de Copenhague et des mobilisations à venir.
Moments clés
Cochabamba en Bolivie pourrait constituer une étape clé. Elle accueillera du 19 au 22 avril 2010 la Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique. Le président bolivien, Evo Morales, en est à l’initiative, après s’être ouvertement opposé à Copenhague au texte présenté par les États-Unis, la Chine, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. « L’appel est né face à l’échec du sommet mondial de Copenhague où les chefs d’État ont nié un espace plus propice pour les débats », rappelle Luzmila Carpio, ambassadrice de Bolivie en France. « Le gouvernement invite tous les peuples à soumettre leurs propositions de manière libre », poursuit-elle. Les objectifs de cette conférence sont pluriels et ambitieux : organisation d’un référendum mondial des peuples sur le changement climatique, création d’un tribunal international pour la justice climatique et projet de déclaration universelle des droits de la Terre-Mère. L’événement rassemblera différents gouvernements, des institutions internationales, des scientifiques, des mouvements sociaux et des ONG.
Avec cette Conférence, « la Bolivie entend construire un rapport de force suffisant pour infléchir l’agenda international », analyse Christophe Aguiton d’Attac-France. Un agenda qui se remplit d’incertitudes après la démission le 18 février d’Yvo de Boer, le secrétaire exécutif de la Convention Climat. Seule la tenue de la réunion intermédiaire de Bonn en Allemagne en juin prochain est assurée. En Amérique latine comme en Europe, les mouvements préparent la re-mobilisation « afin de ne pas laisser le climat dans les mains des gouvernements et des lobbys industriels ».
Sophie Chapelle