J’arrive sur la Zad au printemps 2011, BPREA en poche (Brevet professionnel responsable exploitation agricole, ndlr), hors cadre familial, avec aucune possibilité proche d’installation. Je suis en quête de perspectives plus réjouissantes que s’endetter et s’exploiter à double temps plein pour produire des légumes livrés à des citadins aux revenus confortables.
Avec cinq comparses, nous mettrons en culture une parcelle d’un hectare, devenue friche, en maraîchage diversifié. Objectif : utiliser nos envies et savoir-faire paysans pour occuper la terre contre l’aéroport, créer du lien entre squatteurs et paysans historiques et s’éprouver dans un projet agricole collectif.
Privilégier le système D
Arrivés sans matériel et avec les perspectives permanentes d’expulsion/destruction, nous ne ferons pas d’investissements, privilégiant le système D, ainsi que la solidarité des paysans et citoyens alentours. Ni siret (numéro d’immatriculation d’une entreprise, ndlr), ni statuts, ni label. La production est vendue sur place, à prix libre (lire notre reportage).
L’automne 2012 voit la fin de ce premier projet de production, sous un déluge de grenades et lacrymo [1]. Depuis, nous sommes installés aux Fosses Noires, dans un ancien corps de ferme voué à la destruction.
Des frais assumés conjointement
Légumes plein champ (un hectare), huile de tournesol (4 hectares l’année prochaine), pâtes sèches (objectif 4 à 5 tonnes de blé transformées par an) sont venus remplacer le maraîchage diversifié. Les parcelles sont en rotation avec d’autres groupes (herbes, céréales…). Les légumes de conservation sont vendus par le bouche à oreille.
L’absence des contraintes économiques classiques et l’entraide permettent de pouvoir expérimenter des techniques culturales particulières : j’entretiens mes légumes à l’aide d’une jument de trait (photo), attelée de matériels modernes. Tous les ans, un demi-hectare d’oignons est cultivé conjointement avec un comité de Rennes contre l’aéroport de Notre-Dame : ici on assure le suivi technique global, eux viennent à 25 pour 2-3 chantiers manuels. La production (six tonnes en 2015) est ensuite partagée selon les besoins. Une partie part gratuitement en soutien (Zad, aide aux sans-papiers, mouvements sociaux…). Les frais de la culture sont assumés conjointement.
Dorénavant enraciné au territoire, j’escompte bien pouvoir continuer ces dix prochaines années à cultiver sur des terres « communisées », gérées par le mouvement de lutte. Ici, le territoire est suffisamment fertile pour expérimenter et construire un avenir radieux.
Micka
Cet article est tiré du dossier de janvier 2016 de Campagnes Solidaires sur Notre-Dame-des-Landes. On y trouve des témoignages, des portraits, des histoires de lieux ou d’actions pour mieux comprendre ce qui se crée là-bas. Si vous avez envie de faire une virée dans la zone à défendre, retrouvez l’intégralité du dossier en cliquant ici