© Wolf / Collectif bon pied bon oeil
Le Forum mondial de l’éducation en Palestine a commencé ses travaux par des conférences et… un match de foot sur le thème « un autre football est possible ». Organisé à Ramallah par la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), cette rencontre sportive a pour objectif de présenter aux professeurs et éducateurs des méthodes pédagogiques novatrices, loin du culte de la compétition individuelle. « C’est un match où chaque joueur porte un brassard autour du bras. S’il marque un but, il y accroche son brassard. Il ne peut ensuite plus marquer, mais seulement faire marquer les autres. L’équipe qui gagne est celle où chaque joueur a accroché son brassard, c’est-à-dire où tout le monde a marqué un but », explique Bruno Cremonsi de la FSGT. Un arbitrage atypique, loin des images véhiculées par le foot business, que les enfants ont un peu de mal à respecter spontanément…
La FSGT insiste également sur l’importance pour les professeurs de jouer avec les enfants, pour éviter que certains puissent se sentir exclus sur le terrain. « Nous y sommes habitués », répond un professeur d’une école de Ramallah. « Pendant la seconde Intifada, des snipers israéliens ont tiré à plusieurs reprises lorsque les enfants jouaient. Depuis, nous sommes obligés de venir jouer avec eux car ils ont peur. On rêve du jour où ils seront libres et pourront jouer sans nous. »
L’art de la fête contre la résignation
La journée se poursuit par une représentation en plein air de l’école de cirque palestinienne (Palestinian Circus School). Numéros de jonglage, d’acrobatie et de trapèze réalisés par des enfants de 8 à 16 ans clôturent la tournée estivale de l’unique troupe de cirque palestinienne, accompagnée pour l’occasion de l’association espagnole Festiclown. « La troupe existe depuis trois ans. Nous avons commencé en faisant jongler des enfants avec des oranges dans les rues de Ramallah. Aujourd’hui nous tournons dans cinq villes de Cisjordanie », raconte l’entraîneur, Shadi Zmorrod. Le cirque ne cesse de s’agrandir et devrait bientôt emménager à l’université Bir Zeit. Il permet aux enfants d’y exprimer leurs joies, comme leurs colères. « Je préfère voir les enfants jongler avec des pierres que de les jeter », confie Shadi Zmorrod.
© Wolf / Collectif bon pied bon oeil
Enfin, la nuit tombe sur Ramallah, aux sons des derboukas, cet instrument de percussion sur lequel on joue des Balkans au Moyen-Orient. Ces tambours accompagnent la danse du dabké, présentée par la troupe Al Rowwad, qui se produit également en Amérique du Nord ou en Europe. Dansé par la plupart des jeunes palestiniens, notamment dans les camps de réfugiés, le dakbé est une danse traditionnelle très expressive, et un moment de résistance festive. Les symboles s’y mélangent à la musique et aux youyous : drapeaux et keffiehs, emblèmes de l’unité nationale, ou encore de grandes clés qui rappellent la question du retour des réfugiés chassés de leurs terres lors de la guerre de 1948. Certaines danses reconstituent des scènes de la vie sous l’occupation, comme la mort d’un adolescent dont on rapporte le corps à sa mère. La mère pleure, la salle crie et applaudit. Ce n’est pas la clameur de la résignation, mais celle de la lutte qui se poursuit.
Le centre Al Rowwad, situé dans le camp de réfugiés d’Aïda, près de Bethléem, n’accueille pas seulement des danseurs. Photographie, théâtre ou cinéma – avec notamment un festival de films projetés directement sur le mur qui entoure le camp – font partie du programme « Belle résistance » . « Mettre en avant notre culture comme véritable outil de résistance a été, et est toujours, l’objectif principal du centre Al Rowwad », explique son directeur et fondateur Abdelfattah Abu Srour. « La seule image que l’on projette des palestiniens à l’étranger était celle de terroristes. Je ne pouvais accepter ce déni de notre humanité. »
Christophe Bocquin et Elie Octave