D’un côté, 1000 milliards de profits, dont plus de 90% directement redistribués aux actionnaires. Des valorisations boursières en hausse exponentielle. Un chiffre d’affaires multiplié par six depuis les années 1990, des actifs et des dividendes multipliés par douze. Plusieurs milliards de dollars versés chaque année aux grands fonds de Wall Street comme BlackRock et Vanguard. Et des rémunérations patronales qui battent tous les records.
De l’autre côté, des impôts qui stagnent depuis vingt ans. Plusieurs centaines de milliards de dollars abrités dans des paradis fiscaux, à l’image du laboratoire américain Pfizer, qui y possède les secondes plus importantes réserves de cash après celles d’Apple. Un soutien massif des pouvoirs publics et de la collectivité, depuis le financement de la recherche jusqu’à la prise en charge des dépenses de santé par l’assurance maladie : laboratoires et fonds publics contribuent ainsi au développement de traitements onéreux, comme le Sovaldi de Gilead, que la collectivité sera amenée à payer une seconde fois, à travers le remboursement des dépenses de médicaments. Des ruptures d’approvisionnement de médicaments essentiels et des pans entiers de recherche en santé publique délaissés (comme la résistance aux antibiotiques) au profit des segments de marché les plus lucratifs, comme certains cancers. Un prix qui augmente en flèche pour les médicaments dits « innovants ». Des pertes d’emploi, notamment dans les équipes de recherche-développement comme chez Sanofi, au profit d’un modèle commercial de plus en plus calqué sur celui de Nike ou Apple, où la priorité est au marketing et aux actionnaires, et où une part croissante de l’activité est externalisée à des sous-traitants.
Un portrait sans concession des multinationales du médicament
Chiffres inédits à l’appui, le nouveau volet des « Pharma Papers », publiés par l’Observatoire des multinationales et Basta!, dresse un portrait sans concession des multinationales du médicament, qui n’ont plus grand chose à voir avec les laboratoires d’antan.
Optimisation fiscale, secret des affaires, stratégie guidée par les marchés financiers, externalisations et sous-traitance... Les pratiques de « Big Pharma » n’ont rien à envier à celles des autres multinationales. Pourtant, ces mêmes entreprises continuent à bénéficier d’un soutien financier massif et multiforme des pouvoirs publics et de la collectivité. N’ont-elles pas depuis longtemps rompu le « contrat social » qui justifiait ce soutien ?
À lire dans ce quatrième volet :
– 1000 milliards d’euros de profits en vingt ans : comment les labos sont devenus des monstres financiers
– Quand les labos abandonnent leur mission de santé publique pour ressembler à Nike ou à Apple
– De fusions en licenciements massifs, de rachats en délocalisation, comment Sanofi est devenue « Big Pharma »
– Une industrie dopée au « secret des affaires »
– Derrière les profits des labos, un soutien financier multiforme des pouvoirs publics
– Quand les revenus du médicament atterrissent dans les paradis fiscaux
Avec les « Pharma Papers », Basta! et l’Observatoire des multinationales mettent en lumière, à travers des enquêtes, des reportages, des données et des chiffres jusqu’ici peu accessibles, les confortables profits engrangés par les laboratoires pharmaceutiques sur le dos des systèmes de sécurité sociale, et les énormes moyens d’influence déployés pour préserver ces profits.