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Qatargate : « Il est temps de fermer la porte au lobbying des régimes répressifs »

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par Rédaction

Après l’arrestation de plusieurs membres du Parlement européen dans le cadre d’une enquête pour corruption impliquant le Qatar, Corporate Europe Observatory déplore les « graves lacunes dans les règles de transparence » qui ont permis ce scandale.

En pleine Coupe du monde de football au Qatar, plusieurs personnes, dont la vice-présidente du Parlement européen, Eva Kaili, ont été inculpées et écrouées en Belgique la semaine dernière. La justice soupçonne l’émirat d’avoir corrompu des dirigeants européens afin d’atténuer les critiques sur les violations des droits humains dans le pays. Le journal belge Le Soir rapporte que plus d’1,5 million d’euros en liquide ont été retrouvés aux domiciles de l’euro-députée grecque et d’un ex-eurodéputé italien.

Après ce nouveau scandale, Corporate Europe Observatory (CEO), l’organisation de lutte contre le lobbying en Europe, appelle à « fermer la porte au lobbying des régimes répressifs ».

« En refusant d’adopter des règles pour détecter et prévenir le lobbying de régime répressif, les institutions de l’Union européenne, y compris le Parlement européen, ont ouvert la porte aux scandales de corruption et à la manipulation du processus décisionnel », estime l’organisation basée à Bruxelles.

CEO enquête depuis des années sur le lobbying du Qatar et d’autres pays dans la capitale européenne. En 2015 déjà, l’organisation avait réalisé un vaste rapport sur les firmes de relations publiques œuvrant à Bruxelles pour « blanchir » les régimes répressifs. Il y était déjà question du lobbying du Qatar pour obtenir l’organisation de la Coupe du monde.

« Empêcher l’ingérence dans le processus démocratique de l’UE »

CEO a aussi étudié le lobbying des Émirats arabes unis et de l’Arabie saouditeauprès de l’Union européenne. Ces travaux ont « mis en évidence de graves négligences de la part des institutions européennes et des responsables politiques européens », défend l’organisation : « De graves lacunes dans les règles actuelles de transparence et d’éthique ont permis à des scandales comme celui-ci de se produire, et les demandes des organisations de la société civile pour y remédier ont été rejetées. »

Ces derniers mois, la crise énergétique a peut-être aggravé le problème, dit encore CEO. « L’Union européenne et un certain nombre de gouvernements des États membres ont clairement courtisé le régime qatari pour s’assurer une augmentation des importations de gaz et de pétrole à la suite de l’invasion russe en Ukraine. Ce n’est qu’un autre rappel brutal que la dépendance de l’UE au gaz n’est pas seulement un désastre pour le climat et les factures énergétiques, mais peut conduire l’UE à soutenir directement ou indirectement des régimes répressifs. »

« Ce scandale n’est peut-être que la partie émergée de l’iceberg, rappelle Olivier Hoedeman, coordinateur de CEO. Plus tôt cette année, une interdiction a été imposée aux lobbyistes russes douteux, bien trop tard. Aujourd’hui, c’est le Qatar qui est dans le collimateur. Ce sont deux signaux d’alarme. Il ne suffit pas de prendre des mesures réactives après un énième scandale, nous avons besoin d’un concept global et crédible pour empêcher l’ingérence des régimes répressifs dans le processus décisionnel démocratique de l’UE. »

Photo : Eva Kaili, députée européenne et vice-présidente grecque du Parlement européen, fait partie des personnes écrouées dimanche pour corruption dans le cadre de l’enquête impliquant le Qatar. CC BY-SA 2.0 euranet_plus via flickr.