EDF a annoncé le 3 décembre un surcoût de 2 milliards d’euros pour son réacteur EPR, en construction à Flamanville (Manche). Le coût de ce réacteur dit de troisième génération, conçu par Areva, avait déjà été quasiment doublé en 2011 : 6 milliards d’euros contre 3,3 milliards annoncés initialement en 2005. La note vient officiellement de dépasser les 8,5 milliards d’euros. En cause, selon le groupe, « l’évolution du design de la chaudière », « les études d’ingénierie supplémentaire », « l’intégration des nouvelles exigences réglementaires », ainsi que « les enseignements post-Fukushima ». EDF évoque également des « aléas industriels » à l’instar des consoles, énormes pièces métalliques entourant le bâtiment réacteur, ayant du être remplacées après la découverte de défauts de soudure... Autre cause de l’envolée de la facture : la révision totale des systèmes informatiques de sécurité, jugés trop fragiles.
Cette question avait donné lieu à une déclaration commune de trois autorités de sûreté nucléaire (l’ASN en France, la HSE au Royaume-Uni et l’autorité finlandaise) il y a trois ans. Elles s’interrogeaient sur l’interdépendance des systèmes de contrôle – utilisés lors de l’exploitation normale du réacteur – et de sécurité, activé en cas d’incidents ou de défaillances. Il semble qu’une faille informatique aurait pu neutraliser ces deux systèmes. « Si un système de sûreté est appelé à servir en cas de perte d’un système de contrôle, alors ces deux systèmes ne doivent pas faillir simultanément. La conception d’EPR, telle que proposée initialement par les exploitants et le fabricant, Areva, n’est pas conforme à ce principe d’indépendance dans la mesure où il y a beaucoup d’interconnexions complexes entre les systèmes de contrôle et de sûreté », alertaient les trois autorités.
Surcoût de l’EPR = 10 000 emplois perdus ?
Cette nouvelle augmentation de facture tombe mal pour EDF alors que le gouvernement vient de lancer le débat national sur la transition énergétique. « Cette annonce entérine ce que la Cour des comptes disait en début d’année : la construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR n’est pas une option crédible pour le mix énergétique de demain : trop chère et trop lente à déployer », analyse Sophia Majnoni, chargée de campagne nucléaire pour Greenpeace France. Pour le Réseau Sortir du Nucléaire, « si les coûts de l’EPR (alors estimés à 3,3 milliards d’euros !) avaient été consacrés aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables, on aurait pu répondre à des besoins en électricité deux fois équivalents, créer plus de 10 000 emplois et diminuer de manière substantielle les émissions de gaz à effet de serre ».
Malgré cette note salée, EDF veut maintenir le calendrier de mise en service de l’EPR, tablant sur un démarrage de la production en 2016. Soit quatre ans de retard sur l’objectif initial, dans des conditions de travail et de sécurité déplorables (lire notre enquête). Si cette annonce ne parvient pas à briser le mythe du nucléaire bon marché, l’EPR de Flamanville pourrait bien finir par produire l’électricité la plus chère au monde. Sans oublier que le projet de construction d’un autre EPR à Penly (Seine-Maritime) n’est pas encore totalement écarté.