En 2012, Maky Sall est élu président de la République du Sénégal. Ancien Premier ministre d’Abdoulaye Wade — évincé du pouvoir la même année — il fait figure d’outsider. Personne ne l’aurait donné favori. C’est avec le slogan « Yonoo Yokkuté », la voie de l’émergence, qu’il prend le pouvoir, promettant « développement » et « modernité » à tout le Sénégal. Pour cela, il adopte un nouveau modèle pour accélérer la marche du pays vers ladite émergence d’ici à 2030, le Plan Sénégal émergent (PSE). Six ans plus tard, même si la société sénégalaise reste très divisée sur le sujet, nombreux sont ceux qui ont déchanté, à cause de la vente des ressources halieutiques par le biais de droits de pêche à des nations étrangères, du réaménagement territorial à des fins de grands projets, ou de l’a mise en œuvre d’une politique économique axée sur l’attrait d’investisseurs privés de la diaspora ou étrangers.
Teaser "Bargny, ici commence l'émergence" - Nuit Noire production - sur Vimeo.
C’est à coup de décrets d’utilité publique que l’État sénégalais entend marcher vers l’émergence en expropriant ses populations. Tantôt pour répondre au défit de l’énergie, tantôt pour désengorger la capitale ou se placer en acteur économique incontournable dans la région. Les dommages collatéraux sont présentés inévitables si le Sénégal veut émerger. Promesses d’emploi, tout en détruisant les principales sources de revenus, d’ouvertures des marchés, tout en excluant les couches sociales les plus précaires, de changements, tout en renouvelant un modèle économique et idéologique pourtant aujourd’hui de plus en plus décrié.
Bargny, commune située dans la banlieue de Dakar, est, elle aussi, mise à contribution. À seulement une trentaine de kilomètre de la capitale, cette ville de 70 000 habitants se vit menacée sur ses quatre points cardinaux : au sud, par l’érosion côtière qui emporte les habitations ; à l’ouest, par l’activité d’une des plus grandes cimenteries d’Afrique de l’ouest et ses carrières ; à l’est par la construction d’une centrale électrique à charbon contre laquelle les habitants luttent depuis 2008 et l’annonce de l’arrivée d’un port minéralier et vraquier ; enfin au nord, par l’arrivée d’un pôle urbain de développement à destination des classes supérieures dakaroises et des investisseurs étrangers. Terres confisquées, ressources décimées, loin de voir leur niveau de vie s’améliorer depuis plusieurs dizaines d’années, les habitants voient leur économie locale et leur organisation sociale mises à mal.
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Images : ©Pierre Vanneste.